Le ministre Jean-Yves Le Drian doit convaincre Bercy de ne pas couper drastiquement son budget militaire. Photo : sipa
Guerre souterraine pour sauver l'armée françaiseRIGUEUR – En plein
sprint final avant la publication du Livre blanc sur l'avenir des
armées, une guerre souterraine se joue entre les services de Bercy et de
la Défense sur le futur budget militaire. Car c'est un véritable
tsunami qui risque de balayer les armées, avec des coupes drastiques
prévues dans les régiments mais aussi dans les équipements. Réunion de la dernière chance lundi
soir, au ministère de la Défense. D'un côté, le ministre du Budget,
Jérôme Cahuzac, qui s'est vu confier la difficile tâche de tailler dans les dépenses des ministères, rigueur oblige. De l'autre, son homologue de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui veut à tout prix échapper au pire : une coupe historique dans le budget de l'armée.
Dans cette impitoyable guerre souterraine, ce sera à François Hollande
d'arbitrer, le 22 mars prochain, à l'occasion du conseil de défense.
Mais les premières fuites du prochain Livre Blanc laissent déjà
entrevoir le pire et certains Cassandre annoncent une "apocalypse
budgétaire".
L'hypothèse la plus pessimiste
impliquerait la suppression de 30 régiments dans l'armée de terre, les
pires malheurs pour Nexter, le fabriquant français de matériel
militaire, la vente du porte-avions le Charles-de-Gaulle, l'arrêt du
Rafale et de l'A400M, 30.000 suppressions de postes à la Défense et
15.000 dans l'industrie. Au final, le coup de rabot budgétaire pourrait
donc bien devenir un vrai coup de hache, au risque de déclasser l'outil
militaire français.
Le Sénat monte au frontA combien se chiffrerait-il ? Les
plus optimistes s’en tiennent à un peu plus de 2 milliards d’euros.
D’autres évoquent 6 milliards. Il n'en demeure pas moins que depuis
cinquante ans, le budget militaire a déjà plongé de 5,44% à 1,5% du PIB
aujourd'hui. Beaucoup s'interrogent alors sur une "sortie de piste" de
l'armée française. Chose rarissime, les groupes socialistes, centristes
et UMP et du Sénat se sont ralliés pour exiger le maintien de ce taux.
"Si on descend à moins de 1,5%, c’est le décrochage assuré et une
relégation sans retour de la France", estime ainsi le sénateur UMP
Jacques Gautier. D'ailleurs, les Sages ont déjà prévenu : ils
s'opposeront au vote de la future loi si le scénario du pire se
réalisait.
D'autant que, comme certains le
soulignent, l'armée française, plus réputée et plus opérationnelle que
ses voisines européennes, est déjà une des moins chères d'Europe : côté
britannique, le budget reste significativement plus élevé, à 47
milliards d'euros, soit 2,6% du PIB, tandis qu'en Allemagne, il va
bientôt le dépasser. "Si le président Hollande a pu engager les
opérations au Mali, c'est parce qu'il en avait les moyens humains et
logistiques", a insisté le sénateur UMP.
Les ambitions stratégiques de la
France, l’efficacité de ses armées et la compétitivité de son industrie
de défense sont désormais autant de questions sur la table. "L’outil de
défense se pense à long terme, il ne doit pas être à la merci de coupes
budgétaires conjoncturelles", a fait valoir, de son côté, l'ancien
ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement. "C’est la France qui
est en jeu". Au Président de trancher.