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« ... Le devoir de mémoire incombe à chacun...rendre inoubliable. Ceux qui sont morts pour que nous vivions ont des droits inaliénables. Laisser la mémoire se transformer en histoire est insuffisant. Le devoir de mémoire permet de devenir un témoin... »
 
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 5 JUILLET 1962 ORAN TEMOIGNAGE DE ANDRE

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guy61
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MessageSujet: 5 JUILLET 1962 ORAN TEMOIGNAGE DE ANDRE   5 JUILLET 1962  ORAN  TEMOIGNAGE DE ANDRE EmptyDim 25 Aoû 2013 - 18:12

Témoignage de André A........de Sidi-Bel-Abbès

Le 5 juillet 1962 je me rends de bon matin en voiture glacis Sud, Avenue du Maréchal Foch, derrière l'école Paul Bert.
Tous les jours un convoi de véhicules civils et militaires escorté par la Légion et à destination d'Oran se rassemble à cet endroit
J'ai le plaisir de prendre à bord de ma Peugeot 404, Martial Gonon un copain qui était en classe de première avec moi en 1954-55 au Collège Leclerc, il est lui-même satisfait de voyager confortablement avec un ami.
Bien que Sous-Lieutenant de réserve il n'avait droit qu'à s'installer dans la caisse d'un camion de l'armée. Il est en uniforme et représente pour moi un gage de sécurité.
Lorsque nous traversons le village des Trembles ? Celui de Oued imbert ? un barrage de F.L.N. veut nous contrôler, comme nous sommes entre deux camions de la Légion nous n'obtempérons pas.


Nous entrons à Oran, faisons un grand détour, passons devant le stade Montréal pour nous rendre au centre ville !!
Des milliers d'Algériens en liesse nous font une haie d'honneur, ils chantent, ils crient, ils dansent, en apparence ils semblent bienveillants, des youyous fusent. Je ne ressens aucune hostilité. Ils attendent paraît-il un défilé de troupes du F.L.N.
Je dépose Martial à l'entrée du Château Neuf qui est la base de transit de l'armée. C'est par là que passent tous les militaires qui regagnent la France ou qui en viennent.
Je me dirige aussitôt dans l'enceinte du port d'Oran à la recherche d'un aconier qui pourra faire embarquer ma voiture bourrée de ce qui nous est le plus précieux.
Je contacte en vain plusieurs courtiers. Ils n'ont pas la possibilité de prendre en charge mon véhicule!

C'est alors que des coups de feu retentissent au-dessus de nous dans toute la ville. Craignant un couvre feu et ne voulant pas être bloqué au port , je le quitte et me dirige vers le centre ville.


Mon but est de sécuriser ma 404 qui n'est pas encore totalement rodée, je vais la déposer au Garage Peugeot qui est situé si j'ai bonne mémoire au carrefour de la rue de la Vieille Mosquée et de la rue Lahitte. Ensuite , je me rendrai à l'hôtel de la Vieille Mosquée où j'ai retenu une chambre et j'attendrai que la situation se calme!.
Je remonte du port par la rampe du Capitaine Valès. Au carrefour avec la rue El Moungar, je croise sans problème une voiture occupée par des membres en armes du F.L.N. je leur demande par gestes ce qui se passe ? Ils n'ont pas l'air de savoir ! Ils ne sont pas hostiles. Par chance ils continuent leur chemin, moi le mien !!!
J'arrive au garage Peugeot, je gare ma voiture, le gardien des lieux : un Français, décide d'en fermer l'entrée. En effet, nous pouvons apercevoir au croisement de la rue Jalras et de la rue d'Alsace-Lorraine devant la brasserie Bousquet (Je connais bien Mr Bousquet qui est le président de la ligue de handball de l'Oranie) des hommes du F.L.N. qui tirent à la mitraillette dans la rue d'Alsace-Lorraine. Il nous semble qu'un corps est à terre.


A cet instant arrive une petite Renault : je pense que c'était une Dauphine ! A son bord un homme jeune, son épouse et deux enfants dont un bébé de quelques semaines. Il s'agit d'un médecin et sa famille qui rentrent de la plage. Nous les interceptons avant qu'ils s'engagent vers la brasserie Bousquet, ils entrent, nous fermons aussitôt le rideau et surveillons les alentours. Des F.L.N. arrivent dans un car qu'ils garent face au garage, ils investissent les immeubles et en ressortent avec des civils européens, des hommes seulement qu'ils font monter dans le car après avoir récupéré les clefs et les voitures de ces malheureux. Quel sort leur a-t-il été réservé par la suite ? J'en tremble encore !
Le Garage Peugeot a plusieurs étages, on y accède par une rampe en colimaçon. Nous faisons monter la Renault du docteur avec sa femme et les petits au dernier étage, les enfants ont faim, soif , ils pleurent, il n'est pas question de les laisser au rez de chaussée, ils pourraient trahir notre présence. Nous allons vivre cinq à six heures d'angoisse en attendant le pire ! Hasard ? Chance ? Les F.L.N. n'ont pas l'idée d'entrer dans notre cachette bourrée de voitures dont les clefs sont accrochées sur un grand tableau !!

Vers cinq heures de l'après-midi, ils se rassemblent rapidement et disparaissent avec leur triste butin, des patrouilles de l'armée française prennent enfin possession des rues. Nous nous dépêchons de quitter les lieux, je me dirige vers l'hôtel qui doit être à moins de deux cents mètres du garage.
A l'accueil, je trouve quelques militaires clients tout comme moi. Un sous-officier du 28ième train est décomposé, il tremble de rage, de désespoir et d'impuissance, il a vu devant sa caserne à quelques pas des sentinelles de notre armée, des civils français qui ont été lynchés et même dépecés par une foule en délire. Les militaires n'ont pu intervenir en raison des ordres formels d'un certain Général Katz (voir note 4).....!

Le couvre feu a été instauré. Nous n'avons rien à manger, la patronne de l'hôtel nous donne à chacun un petit morceau de pain agrémenté d'un brin de jambon cuit.
Je dors très mal cette nuit là ! Une foule de questions se bousculent dans ma tête ! Au petit jour du 6 juillet 1962 ma décision est prise. Je rentre en France avec ou sans voiture !


Le couvre feu a été levé à sept heures du matin, je longe le Lycée Lamoricière qui sert de casernement à des soldats français et me rends au comptoir d'Air France sis Boulevard Galliéni ou rue de la Poste ? (Trou de mémoire).
Une dizaine de personnes ,des hommes en majorité, attendent une problématique ouverture des bureaux de réservation !
Alors que je vais prendre place derrière le dernier arrivant, j'ai la joie de trouver dans la file d'attente : Aimé Muller ,un de mes cousins originaire d'Hammam-Bou-Hadjar. Nous sommes heureux de nous savoir libres et en bonne santé. Je lui fais part de l'insuccès de mes démarches pour embarquer ma voiture. Il a une solution à mon problème.
La veille, alors qu'il attendait son tour dans les bureaux de la Compagnie Transatlantique afin de faire prendre en charge son auto pour l'expédier en France, la fusillade à fait que la Transat a fermé ses guichets. Les employés lui ont donné un ticket de priorité pour la file d'attente des jours suivants. Il a le numéro deux ou trois ??
La veille pendant qu'il attendait, son beau-frère a fait le nécessaire pour expédier en métropole leurs deux voitures par l'intermédiaire d'une autre compagnie !

Il me cède aussitôt son ticket prioritaire !
Le rideau de l'agence se lève, j'achète trois places d'avion pour le dix juillet sur la ligne Oran-Marseille : deux places pour mes parents, une pour moi!
Je descends au port, à onze heures ma Peugeot est dans la cale d'un bateau qui part pour Marseille le jour même!
Je rentre à Sidi-Bel-Abbès par le premier train, fort de ce que j'ai vécu à Oran, j'essaye de convaincre mes parents qu'ils doivent impérativement prendre l'avion avec moi.
Ils refusent catégoriquement, ils tiennent absolument à rester sur place tant que leurs meubles et les miens ne seront pas expédiés sur le sol français !
Dans ma précipitation, j'avais oublié de prendre une place d'avion pour mon beau-père, confus, je lui propose l'une des deux places réservées devenue vacante.
Il a exactement la même réponse que mes ascendants !
Je prends quelques photos de notre ville, les quartiers européens sont déserts, le Bel-Abbès si vivant hier est devenu désertique , les habitants sont partis ou restent terrés chez eux en attendant des jours meilleurs.

Le 9 juillet, désespéré de partir seul, je reprends le train en direction d'Oran et passe la nuit à l'hôtel de la Vielle Mosquée. Je revends à prix coutant les billets d'avion en ma possession à deux pauvres femmes ; une mère et sa fille. Terrorisées depuis le 5 juillet ,elles ne sont pas sorties de l'hôtel tellement elles sont traumatisées !!!
Le 10 juillet en début de matinée, je me rends au siège d'Air France, je prends un bus qui nous transporte à l'aéroport de La Sénia . Nous traversons les quartiers principalement peuplés d'algériens. A chaque carrefour, des combattants de l'A.L.N. montent la garde en armes. Nous sommes enfin soulagés quand le bus passe la porte de l'aéroport gardée par l'armée française.
Je possède deux valises lourdement chargées, Julien Torregrossa que j'ai connu lors d'un stage pédagogique à Aïn-EL Turck va prendre le même avion que moi, il me propose de prendre une de mes valises à sa charge. Il voyage avec ses parents, ils n'ont pratiquement rien comme bagages, il m'évite de payer ainsi un lourd supplément ! J'aurai le plaisir de le remercier une seconde fois en 2008 après qu'il m'ait retrouvé grâce à Henri Lavina et son merveilleux site : mekerra.fr

Nous arrivons à Marignane à 16 heures 15 après un vol bien triste mais sans histoire. Avec trois autres passagers de l'avion, à 16 heures 45, nous louons un taxi pour 1000 francs . Il nous emmène aussitôt au port de Marseille.
A 18 heures, je récupère ma voiture et les bagages qu'elle contient, le tout en excellent état. Je retourne à l'aéroport et y récupère mes deux valises.



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