| Récup de pilotes en milieux hostiles - Saints Bernard en kaki
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Les Américains ont encore subi le phénomène lors de la dernière guerre du Golfe : la capture de militaires peut retourner l’opinion publique nourrie par la propagande ennemie. Parce que la France a cotoyé, elle aussi, un tel risque, l’armée de l’Air a mis les bouchées doubles, après la capture de deux des ses pilotes, le 30 août 1995, en Bosnie, près de Pale.
Cruelle ironie du sort, elle avait pourtant pris le problème à bras-le-corps un an et demi plus tôt, en envoyant à Brindisi (Italie) trois hélicoptères de sauvetage au combat (Resco). Ce dispositif, encore balbutiant, avait même déjà porté ses fruits, dès 1991, en permettant de sauver trois pilotes américains, dans le Golfe persique.
Mais ce 30 août, les deux pilotes sont blessés avant même d’atterrir, et sont aussitôt capturés par des miliciens serbes.
Tuant dans l’œuf toute possibilité de les récupérer en sécurité. Car alors, une mission inopinée aurait très certainement généré encore plus de pertes, le contraire du but recherché. « Trois données demeurent fondamentales pour le déclenchement d’une mission : le « survivor » doit être localisé, authentifié et libre », résume un pilote de l’escadron d’hélicoptères 1.67 « Pyrénées », chargé de ces exfiltrations à haut risque. Ce qui implique, évidemment, une forte réactivité des hélicoptères, et autant de capacité, chez les pilotes éjectés, à pouvoir rester libre dans l’intervalle.
Graduellement, l’armée de l’Air a remis à plat ses procédures, modernisé ses matériels : un effort financier et humain sans précédent, et sans comparaison possible en Europe. Tous les navigants partant en missions de guerre doivent depuis lors avoir subi le stage survie, prodigué par des spécialistes du « Pyrénées ».
Sept fois par an, les hélicoptères et les commandos-parachutistes du CPA 30 s’entraînent pendant quinze jours, dans des conditions très réalistes... et à chaque fois différentes. En septembre dernier, en Belgique, un exercice européen, Volcanex, a permis de jauger une nouvelle fois le niveau des Français face à un comité d’accueil musclé, des simulateurs de menaces et des départs de fusées. Un niveau de préparation qui permet aujourd’hui aux équipes Resco de réagir sur un délai très court aux sollicitations.Une discipline, qui par nature, reste très secrète. Au bout d’un an de sollicitations, l’armée de l’Air a finalement accepté d’entrouvrir la porte : montrer comment, dans un entraînement basique, opèrent ces équipes très spéciales...
Objectif : survivreTous les navigants doivent avoir subi un stage approprié avant de partir en mission.
Six jours en territoire ennemi à attendre un hélicoptère de secours : l’aventure humaine qu’a connu l’américain Scott O’Grady, un pilote de l’US Air Force éjecté en Bosnie, le 2 juin 1995.
Tous les spécialistes s’accordent sur le fait qu’O’Grady est un contre-exemple statistique. Le pilote du F-117 américain abattu pendant le conflit du Kosovo, le 27 mars 1999, n’a attendu que six heures chrono, avant que deux Super Frelon français, puis des hélicoptères américains ne viennent le récupérer. Mais ces survivors avaient tous un point commun : ils avaient subi une intense préparation à la survie opérationnelle. Aux Etats-Unis, le stage complet dure trois semaines, en France, c’est cinq jours, prodigués à Cazaux (Gironde). C’est donc peu, mais c’est mieux que rien, d’autant plus que deux jours sont réservés à la mise en pratique.
Des commandos et des chiens sont chargés de donner des «éléments d’ambiance » appropriés au pilote, qui passe la nuit dans
« la verte ». Au final, un interrogatoire, car les survivors sont
immanquablement... retrouvés, question de temps. Au passage, les
stagiaires bénéficient du retour d’expérience des survivors bien réels : pendant quatre ans, c’est un des deux pilotes français éjectés en 1995 qui constitua, en personne, cette « bible humaine ».
En la matière, tous les détails comptent. Comme le rappelle Germain
Chambost dans « missions de guerre » (1), O’Grady eut recours à ses gants de pilotage pour camoufler ses cheveux clairs, à sa carte de vol plastifiée, pour recueillir de l’eau et servir de couverture ! Avant de se faire un festin avec feuilles, herbes et fourmis : pour juger de ce qui était comestible, capitaine de l’US Air Force avait surveillé l’alimentation de deux vaches, à proximité de son refuge... Mais ce qui le sauvera sans aucun doute, c’est qu’avant de décoller d’Aviano (Italie), le 2 juin, le pilote avait répété, pour une fois, les
séquences de sauvetage, au briefing.J.-M.T.
(1) vient de paraître aux Editions Altipresse, 320 pages, 20 euros.
« Ici Snake Bravo, j’aime le rugby »Une des phrases-clés associées ce jour-là à un pilote éjecté en territoire ennemi : seulement une infime partie du billet de retour qui lui permettra de rentrer à la base. Flash-back. Mardi après-midi, base de Cazaux : une vingtaine de militaires écoutent le briefing, répètent les consignes de sécurité des vols, sous la conduite de Marc, un capitaine de corvette trentenaire, ancien des opérations spéciales de la Marine, à la flottille 33F. Et aujourd’hui chef des opérations, au « Pyrénées », nom de baptême de l’unité : il livre la zone approximative où les deux survivors, codés Snake Alpha et Snake Bravo, ont été localisés, dans les dunes de sable, à côté de Biscarosse (Landes). Le briefing, un moment primordial où l’on reçoit notamment les documents-clés propres à chaque récupération, que chaque survivor a rempli préalablement, avant son décollage.
Les deux Puma dormant sur le tarmac s’animent rapidement. L’air fleure bon le kérozène, une fois les turbines en marche. Passée la check-list (NDLR, le contrôle des équipements majeurs), les deux Puma entament leur course contre la montre. A 100 mètres d’altitude, d’abord, puis subitement, après 30 minutes de vol, au ras des cimes des pins maritimes. Quand ce n’est pas entre deux rangées.
Voler en ligne droite est rarement la bonne solution en zone de guerre : les pilotes, chevronnés au fil des engagement successifs, ont
affûté leurs réflexes. Les conversations sont courtes à la radio, entre
les deux machines. Dans une mission réelle, le vol s’effectuerait dans
un silence radio complet, jusqu’au dernier moment, évitant ainsi une
détection précoce par l’ennemi.A l’arrière de la carlingue, les commandos-parachutistes se cramponnent, tout en guettant à travers les hublots. Une voix, d’abord lointaine, devient rapidement audible dans la radio cryptée, entre deux crachotis de signaux d’identification électronique. « Ici Snake Bravo, j’aime le rugby » annonce le survivor, d’une voix posée. Une erreur, et la mission aurait été annulée. Snake Alpha, le deuxième pilote, livre lui aussi correctement son message
codé.
Toujours les « évasives » des hélicoptères, avant le ralliement final :
l’océan atlantique grandit à toute vitesse dans les vitres du cockpit.
Les commandos vérifient, mécaniquement, une dernière fois leur
équipement. Sous le camouflage facial, on sent la même concentration,
la même résolution, tant chez les vétérans que chez les plus jeunes : à
l’entraînement, la moindre erreur peut être fatale. « Je suis à vos une heure, poursuit Snake Bravo dans la radio, je percute un fumigène ». Un
nuage rougeâtre monte du sol, entre deux dunes de sable : les Puma lâchent les commandos à 200 mètres de là, dans un nuage de sable, avant
de redécoller et d’orbiter, prêts à déclencher le feu de leurs mitrailleuses.
Une partie des hommes sécurise la zone, deux autres identifient pour une énième et dernière fois les survivors, qui restent encore sous la menace de leurs armes, bras en l’air : l’un tient encore la radio cryptée, l’autre, la balise de détresse.
Les commandos s’assurent que les deux pilotes sont en état de courir jusqu’aux hélicoptères. Tout en les couvrant à la façon d’une « tortue » romaine façon 21e siècle, le groupe de récupération au sol (GRS) progresse le plus vite possible dans le sable. Dans les Puma, les mitrailleurs de sabord restent sur le qui-vive, même après que les deux
Ils reviennent de BuniaMissionnés à l’origine pour la seule Resco, les équipes du « Pyrénées » et du CPA 30 savent régulièrement dépasser ce contrat de base, comme ils l’ont fait lors de leur dernier déploiement, en république démocratique du Congo (RDC). « Nous sommes partis là-bas sur un préavis très court avec deux machines (NDLR : dont l’une avait été envoyée en 1991 dans le Golfe), pour tenir l’alerte aux profit des aéronefs français et étrangers explique Yves, un vétéran quadragénaire qui avait déjà connu les premiers déploiements, en 1994, à Brindisi(Italie). Il s’agissait aussi bien d’aller récupérer au besoin un de nos pilotes de chasseurs, que de soutenir nos collègues de l’aviation
légère de l’armée de Terre », poursuit le capitaine. Pas facile, forcément, avec des reliefs culminant à 1.000 mètres d’altitude, et parfois sous le feu des groupes armés, dérangés dans leur pillage et leurs exactions sur les civils, essentiellement des réfugiés.
« C’est arrivé à plusieurs reprises, notamment un jour où nous déposions une équipe. Nous avons riposté avec les armes de bord ». Pas un blessé, côté français : l’entraînement impitoyable -et les protections balistiques- paient.
« Cela nous a ressoudé au sein du groupe de récupération au sol », témoigne un commando-parachutiste. Leur dernier déploiement opérationnel remontait au Kosovo. Plus de trois ans déjà...
« L’entraînement est important, résume un autre, mais même bien fait, cela n’atteint jamais les situations réelles comme celles-là, résume un autre.
Et cela nous démontre qu’on ne s’est pas trompé... »
« Nous avons aussi évacué une équipe de trois membres de l’ONU, blessés
sur une route minée », poursuit Yves. Pas de balles, ce jour-là, mais des mines, infestant la zone. Là encore, tout le monde s’en est tiré indemne.
Bilan comptable : 240 heures de vol dont 60 de nuit, des souvenirs pleins les yeux. Et déjà, quelques besoins urgents, générés par l’engagement : chercher de nouveaux gilets de combat, faire passer les grandes visites aux machines qui ont tenu bon, malgré le climat. A peine la routine, en attendant le prochain départ.
Au service du publicPassée la guerre d’Algérie, le « Pyrénées » a connu une longue période de sauvetages au profit du public, tradition qui perdure encore aujourd’hui, malgré la prééminence de la mission Resco.
L’escadron est ainsi notamment chargé d’assurer le secours en cas de crash d’aéronef civil dans sa zone de compétence, un cas relativement rare étant donné la moindre circulation aérienne.
Plus réguliers, les sauvetages en mer, du fait de la situation privilégiée de Cazaux, nichée auprès du Golfe de Gascogne.
Rien que depuis le début de l’année, un Puma a décollé à huit reprises pour l’océan, secourir des navigateurs ou des pêcheurs en détresse. En permanence, un Puma est prêt à décoller en moins d’une heure avec à son
bord un plongeur-sauveteur et un médecin militaire, avec tout l’équipement nécessaire pour traiter la plupart des situations d’urgence.
Ses capacités de secours ont aussi été largement mises à profit lors des récentes catastrophes naturelles, des marées noires aux inondations. Des Puma de l’unité comme ceux d’Istres (Bouches-du-Rhône) ont ainsi, ces dernières années, contribué à hélitreuiller, de nuit, plusieurs dizaines d’habitants du sud-est pris au piège dans leurs habitations, les sauvant de la noyade.
J.-M.T
source:armés.comDésolé pour la mise en page, le serveur ne veut rien savoir....