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| Avec l’armée française dans le Sahel | |
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cpa confirmé
| Sujet: Avec l’armée française dans le Sahel Ven 19 Juin 2015 - 23:23 | |
| Avec l’armée française dans le Sahel Franck Edard et Cyrielle Stadler, journalistes à la rédaction de M6, sont partis en mai 2015 en reportage aux côtés de l’armée française engagée dans l’opération Barkhane, menée au Sahel contre les groupes armées djihadistes. Ils racontent les coulisses de cette expédition.Avant notre départ, une petite note avec les conditions de reportages sur les forces françaises en opération nous a été transmise. Nous devons flouter les documents « classifiés », flouter les militaires des forces spéciales, les morts, blessés et prisonniers et garantir l’anonymat de tous les soldats. Il ne faut pas compromettre les opérations futures et protéger les familles des militaires déployés en Opex « opérations extérieures ». Il faudra par exemple se contenter d’un prénom. Aucun nom, pour éviter que les familles ne soient la cible de menaces, comme cela a pu être le cas pour des proches de militaires déployés en Afghanistan. Nous y voilà. Nous allons suivre l’armée française, engagée dans l’opération Barkhane. Plus de 50 kilos de valisesNous devons nous rendre à N’Djamena, capitale du Tchad, à une date précise. Nous nous déplacerons au Niger et au Tchad. Arrivés à l’aéroport de N’Djamena, chargés de plus de 50 kilos de valises, nous nous installons provisoirement à l’hôtel, en attendant de rejoindre l’armée française. Le lendemain, une fois les autorisations de tournage obtenues auprès des autorités tchadiennes et nigériennes, nous nous rendons au camp Kosseï, qui abrite le poste de commandement de la force Barkhane, pour un briefing. Nous participerons à une opération tripartite entre l’armée française, nigérienne et tchadienne. Opération « scorpion » L’opération est baptisée Agrab (scorpion en tchadien). Il s’agit de lutter contre les groupes armés terroristes, de perturber les trafics en tout genre. Depuis la chute de Mouammar Khadafi, le sud de la Libye voisine, est devenu le « supermarché du terrorisme », nous explique le sous-chef opérations de Barkhane. «Cette autoroute du terrorisme s’étend de la Libye à l’Algérie, ces 600 kilomètres sont jalonnés de caches avec de l’eau, de la nourriture, du carburant, des armes, des munitions. Nous voulons perturber ces flux logistiques et dissuader les trafics illicites. C’est « la défense de l’avant », nous évitons que les terroristes n’atteignent l’Europe », ajoute-t-il. Nous quittons notre confortable et chaleureux hôtel pour nous installer au Camp de Madama, au Niger, à 80 kilomètres de la frontière libyenne. Briser la glace avec les militaires « Ted », l’officier communication du 2e REP (Régiment Etranger de parachutistes de Calvi) nous attend à la descente de l’avion. Il sera notre accompagnateur pendant tout notre reportage. Sa mission : non pas nous guider, ni faire de la censure, mais simplement faciliter notre travail, faire le lien entre nous et les militaires ou les autorités. Et accessoirement, « Ted » est chargé d’assurer notre sécurité. Cyrielle, comme moi, avons l’habitude de faire des reportages avec l’armée. Mali, Côte d’Ivoire, Afghanistan… L’un comme l’autre avons couvert à plusieurs reprises des zones de conflit. Généralement, une fois la glace brisée et les préjugés (que les militaires peuvent avoir sur les journalistes) balayés, les relations sont souvent cordiales et chaleureuses. A nous de nous montrer respectueux, et de garder notre objectivité. Dormir en tente par 40 degrés Le camp de Madama au nord du Niger est en pleine ébullition et en plein travaux. Les militaires sont habitués à la rusticité. Nous un peu moins. Le thermomètre affiche plus de 40 degrés. Notre tente n’est pas climatisée et prend la poussière. Côté hygiène, naturellement pas de salles de bain ni de WC. Nous nous retrouvons devant un lavabo et des douches de « campagne ». Quant aux toilettes, c’est une sommaire palette avec un trou, posée sur un fossé. Ici pas de cuisine, nous mangerons des rations de combat pendant 10 jours. Nous ne restons que quelques jours au camp de Madama. Le temps pour nous de réaliser quelques reportages sur le « détachement hélicoptères » et cette vie spartiate. Une vie au camp assez monotone quand les soldats ne sont pas en opération puisqu’elle se résume à se préparer et à entretenir le matériel. Le jour J est arrivé. Une moustiquaire face aux serpents et aux scorpions A l’aube notre convoi s’élance. Avec Cyrielle, pour des raisons pratiques, nous sommes séparés. Elle est dans un véhicule léger de reconnaissance et d'appui avec les hommes du 1er régiment de hussards parachutistes de Tarbes. Moi, dans le véhicule de l’avant blindé de commandement avec les légionnaires du 2e REP. Seule une petite vitre me permet de voir le paysage. Cyrielle profite du soleil et de la poussière. Après une dizaine d’heures de route et 150 kilomètres à travers le désert, nous arrivons au plateau du Tchigari. Le temps est venu d’installer le campement. Etre « embedded » nous vaut la chance d’être logés à la même enseigne que les militaires. Nous vivons dans les mêmes conditions qu’eux. Nous dormons sous une moustiquaire, non pas pour se protéger des moustiques (il n’y en a pas dans la région), mais pour éviter qu’un scorpion, qu’un serpent ou qu’une araignée ne nous rende visite dans notre sac de couchage ou dans nos chaussures. Pour la toilette, nous nous contentons d’un petit rafraichissement avec des lingettes pour bébé. Pour les WC, une pelle et un trou dans le désert font l’affaire. Cyrielle a le droit à un traitement de faveur. Pour lui garantir un peu d’intimité, les hommes du 1er RHP (régiment des hussards parachutistes) lui installent chaque soir un capot de VLRA (véhicule léger de reconnaissance et d’appui). Le soir venu, nous faisons chauffer notre plat préparé sur un petit réchaud. Pas de lampe blanche, trop repérable. Juste une lampe frontale rouge pour nous diriger et nous éclairer. Les militaires ont appris à nous faire confiance et nous aident quand nous sommes en difficulté : une bâche qui s’envole en pleine nuit, et l’un des soldats vient nous aider à la fixer. Casque et gilet pare-balles La nuit est plutôt douce. Le ciel est étoilé. Rien ne vient troubler cette nuit paisible, en plein milieu du désert… à part quelques ronflements. Le réveil est évidemment matinal, vers 5h. Chaque jour, les hommes du 1er RHP rejoignent le poste de commandement avancé pour prendre leurs ordres. Des patrouilles sont organisées. En tout plus de 200 hommes sont mobilisés pour fouiller le désert nigérien et tchadien et contrôler les véhicules qui se présenteraient. Le but étant de débusquer des caches logistiques de terroristes ou de trafiquants. La journée, nous sommes toujours affublés de notre gilet pare-balles et de notre casque. Une question de sécurité, en cas d’accrochage avec des groupes armés terroristes ou bien d’accident. Ici, il n’y a pas de route à proprement parler. Les hommes comme les véhicules sont soumis à rude épreuve. Pas un jour sans qu’un VAB ou un VLRA ne s’ensable ou qu’un pneu ne crève. Nous croiserons peu de véhicules. La plupart des GAT (groupes armés terroristes) et des trafiquants se déplacent la nuit. 16 personnes à bord d’un pick-up Alors que nous nous dirigeons vers le Tchad, nous croisons la route d’un pick-up. Les militaires nigériens interceptent le véhicule. 16 personnes se trouvent à bord. Rien d’inhabituel jusque-là. Les militaires Français restent en retrait et mettent en place un périmètre de sécurité. Un soldat du 1 er RHP, armé de son fusil Famas, s’approche avec nous. Les militaires nigériens s’assurent d’abord que ce n’est pas un véhicule volé. Les passagers d’origine tchadienne, seraient des orpailleurs (des chercheurs d’or clandestins). Leurs bagages sont fouillés. Le filtre du véhicule est lui aussi inspecté, l’intérieur des portières également. Des armes peuvent y être cachées. Dans les bagages, un uniforme de l’armée française est découvert… Le conducteur du véhicule est quant à lui en possession de 10 grammes de haschich,« pour sa consommation personnelle » assure-t-il. Une faible quantité qui pourra être analysée par les services de renseignements nigériens pour définir sa provenance. Impossible de les retenir. Impossible de les transporter. Impossible de les nourrir. Les 16 personnes repartent vers leur destination. Une zone de mission très étendue Menaces terroristes, trafic d’êtres humains, de drogue, d’armes… la mission à laquelle nous participons a quelque chose de dérisoire, tant les superficies à surveiller et à contrôler sont étendues. Nous nous en rendons bien compte en survolant la zone… Pour mener à bien leurs missions nous en arrivons à la conclusion qu’une collaboration militaire entre la France, le Tchad et le Niger est plus qu’indispensable pour lutter contre des djihadistes et des trafiquants. Toujours plus mobiles et déterminés, ils se déplacent dans la bande sahélo-saharienne, une région plus vaste que l’Europe. Le reporter a cette chance, contrairement, aux journalistes de « desk » ou aux « présentateurs » de vivre des moments rares et exceptionnels, de faire des rencontres généralement enrichissantes. C’est le cas aux côtés des militaires. Qu’importe que nous adhérions ou non aux raisons d’un conflit et aux enjeux diplomatiques et politiques. Lorsque nous sommes en reportage avec les militaires, nous devons nous efforcer de témoigner, de raconter ce qui se passe, ce que nous voyons, ce que nous ressentons. | |
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