En 1969, l’obtention d’un sursis universitaire est liée à l’engagement de faire une préparation militaire (sauf pour les demoiselles, les étrangers et les éclopés). Ne faisant pas partie de ces catégories, je signe pour un cycle de PMS de 2 ans. L’Armée me tente plus que la Fac. Je résilie mon sursis. Les vacances se terminent. Je ne ferai pas la Rentrée universitaire et l’EAI m’attend pour le lundi 4 octobre 1971. Quelques camarades m’ayant conseillé la PMPara, je débarque à Pau le 30 août.
La première semaine est consacrée à l’instruction, la seconde, aux quatre sauts pour l’obtention du brevet PMP. Exclusion faite de la chambrée, de l’ordinaire et du foyer, notre existence se déroule entre la tour de départ, alias " Brigitte ", celle d’arrivée (que l’on aperçoit à gauche) et la carcasse d’un Nord où l’on nous apprend à rentrer " chaussette à l’envers ", à nous asseoir (dont 4 ou 5 à même le plancher) et à accrocher la S.O.A. avant de s’élancer.
" Brigitte " est une galère où l’on ne maîtrise rien. Il faut se hisser par une échelle jusqu’à la plate-forme où le moniteur fixe les mousquetons aux harnais. J’ai une pensée inquiète pour les copains chargés du contrepoids (je fais 1m84 pour 80 kg…) et me voilà en position avant que ne claque le " Go ! ". Je me jette en avant. Et c’est le choc (censé nous familiariser à celui de l’ouverture du pépin) avant le rebond dans le filet qui m’évite d’embrasser les pieds de la tour.
L’exercice à la tour d’arrivée est interactif. Le mono me sangle pour une dérive de coté (traction latérale) ou une arrivée vent de face (attention au postérieur !) ou vent arrière (attention au museau !). Puis saut dans le vide où je reste suspendu. Je vois, en bas, les copains goguenards qui me regardent, attendant que le mono lâche le frein.
Je reste quelques secondes crispé, coudes serrés, menton rentré, genoux fléchis…. Pas beaucoup de temps pour réfléchir même si nous avons tous en tête le tragique accident survenu il y a presque jour pour jour un mois, le 30 juillet 1971, quand un Nord s’est écrasé avec des officiers de l’EMIA à bord. 37 morts… Seuls les deux siki ont eu la vie sauve.
Et soudain, le plongeon ! Mâchoires serrées j’attends l’impact pour réaliser le " roulé-boulé " que souhaite le moniteur sachant que son échelle d’appréciation est plutôt réduite. Si mon atterrissage est réussi j’obtiendrai un laconique " c’est bon, dégage " et je quitterai la file. Si je me vache, j’aurai droit à un " couille de loup, tu fais dix pompes et tu recommences ".
Temps de pause pour ceux qui ont réussi leur arrivée. On se retrouve dans la carcasse d’une " Banane " (Piasecki H-21) qui rouille prés des tours. Je confie mon valeureux Zeiss Ikon à un copain. Coiffé du béret noir avec l écusson au lion, je me glisse aux commandes, tandis que, en position " pouces vers l’extérieur ", le stick s’apprête à sauter. On s’y croit !
Seconde semaine. Un GMC nous dépose sur l’aire d’embarquement. On me jette un parachute dont je règle le harnais avant de le déposer soigneusement dans la rangée. Les moniteurs (casque Gueneau) nous font aligner colonne par un pour le " pipi de la peur ". On s’équipe et on embarque. C’est la sensation inoubliable du bruit caractéristique des moteurs et les incroyables vibrations de la carlingue. Le klaxon hurle et je me lance dans le vide par la portière du Nord n° 92 piloté par le Ltn Nicolas. 7 septembre 1970, mon premier saut.
8 septembre. Hier, la soirée a été dure. Il a fallu satisfaire à une tradition (?) qui veut que ceux dont le parachute avait une voilure blanche payent une tournée. On décolle pour le deuxième saut. Un prémi s’est dégonflé. Il finira le stage avec le béret à l’envers, à peindre des cailloux en blanc. Troisième saut, on doit faire ventral. J’emporte mon appareil. La photo est médiocre. Ce sera, merci Saint-Michel, la seule ouverture de ventral de ma vie.
10 septembre, un vendredi. Le SgC (er) Grall, du CIPM de Bordeaux me " pistonne " pour que je sois le premier du stick, ce qui signifie que je me place très tôt en position à la portière. Nez au vent, le sol tout en bas, j’attends avec une impatience mêlée d’un peu d’angoisse, que le klaxon résonne et que la claque sur l’épaule me libèrent.
Quatre sauts… Le compte et bon ! Le lendemain nous recevrons le diplôme de BPMP. L’insigne, nous l’arborons déjà car la veille nous avons dévalisé le foyer.