30 novembre 1934 mort de l'aviatrice Hélène Boucher qui, à 26 ans venait de battre le record du monde de vitesse sur 1.000 kmLa fille de l'AirCe dimanche d'automne 1930, sur le terrain d'Orly, La foule est agglutinée au barrières avant de prendre l'air en compagnie d'un pilote. La plupart d'entre eux consacrent leur quelques économies du mois à faire une ballade en avion.
-"Tiens ! Mlle Boucher ! ... Tous les dimanches alors ?"
-Mais oui Monsieur Liaudet, tous les dimanches, et même tous les samedis !
- Je sais, Le Folcavez m'a dit ça... Qu'il ne peut pas regarder du côté des barrières sans vous y apercevoir. C'est votre grand ami, le Folcavez ?
- C'est lui qui m'a donné mon baptême de l'air, il y a quatre mois.
- Quatre mois déjà ?
- Mais oui Monsieur Liaudet : le 4 juillet.
- Je pense que vous avez revolé, depuis.
- Seulement une fois ! Avec M. le Folcavez, justement.
-Vous avez pris un air malheureux pour dire : "seulement une fois"... Vous aimez donc tellement voler ?
- Oh oui ! Monsieur Liaudet.
Le regard de la jeune fille était chargé de ferveur et de gravité. Le Folcavez avait d'ailleurs raconté à Liaudet que la jeune Hélène avait à peine murmuré un remerciement après son baptême en avion. Elle était restée un long moment sur place sans faire un geste ni prononcer un seul mot, le regard perdu au loin, les traits figés, le visage dur. Non, décidément, celle-ci ne ressemblait à aucune autre.
Durant dix mois, la jeune Hélène Boucher volera à 5 ou 6 reprises, invitée chaque fois par Liaudet où le Folcavez, ou Maillet... Elle leur avait donné sa confiance et ils lui avaient donné leur estime.
Une amitié parfaite, sans équivoque unira bientôt ces pilotes et la jeune femme. Elle les appellera par leur prénom et ils interpelleront Hélène par son diminutif, "Léno".
C'est dans l'aviation que la jeune femme va accomplir sa destinée. Henri Farbos, créateur de l'Aéroclub des Landes, donnera à Hélène Boucher cette occasion extraordinaire.
Un après-midi, il la prit à part :
- Mademoiselle Léno, Pour mon école de Pilotage de mont-de Marsan, je viens de trouver un instructeur ; c'est votre ami Liaudet. Mais il me faut aussi des élèves. J'aimerais que, parmi eux, il y eût une jeune fille... Et je vais faire voter par mon comité une bourse de pilotage destinée à la première élève-femme qui s'inscrira à mon école. Voulez-vous être cette première élève ?
C'est ainsi que le destin d'Hélène se met en marche. Très impatiente, une fois le brevet en poche, elle décide de voler de ville en ville pour accomplir les 100 heures de vol qui lui permettront de participer à des meetings aériens. Elle va à Lyon, cannes, marseilles, puis elle rentre au Bourget. A l'arrivée, Léno passe 8 jours les yeux rivés sur des cartes. Ses amis se demandent ce qu'elle mijote.
Et un matin on la vit apparaître équipée. Un matin qui n'était pas particulièrement favorable à un départ, car il faisait mauvais temps.
- Vous allez loin Léno ?
- Je vais faire mon tour de France !
Elle avait établie l'itinéraire d'un circuit qui devait successivement la faire atterrir à Lyon, Nîmes, Toulouse, Bayonne, Bordeaux, Rochefort, tours... C'était une entreprise hardie. Mais elle l'avait ainsi décidé. Elle tint parole, en dépit des circonstances atmosphériques qui demeurèrent contraire pendant tout le voyage.
Ayant enfin totalisé ses cents heures et effectué, impeccablement, un vol de nuit, avec atterrissage sous les phares qui déplacent les perspectives, creusent les ombres, faussent les distances, la voici enfin titulaire du brevet de transport public !
DES DEBUTS DIFFICILES
Pour pouvoir participer à des meeting, Hélène a besoin d'un bon avion. Le 18 juillet 1931 elle prend pour Londres et fait l'acquisition d'un appareil anglais qui répond à ce besoin. Le 22 elle participe au Rally aérien Cannes-Deauville. C'est la seule femmes inscrite. Mais son avion est capricieux. Après les deux tiers du parcours, elle est contrainte d'atterir dans une prairie étroite, cernée de fossés, de haies et d'arbres, près du village de Prémery. Un mécanicien du pays vole à son secours, la canalisation est réparée. A peine redécollée, c'est le moteur qui lache et Hélène doit, en perte de vitesse, se poser immédiatement entre les arbres, sans virer pour ne pas "décrocher" ! "Panne de moteur au départ : ne pas virer ; atterrir droit devant soi !" lui disait Liaudet. Il y eu un fracas épouvantable... L'avion resta accroché dans les branches de deux arbres indemmes. Mais hélène ne souffrit d'aucune blessure.. Son avion remis en état, elle part le chercher en Angleterre dans les premiers jours de septembre.
L'avion resta accroché dans les branches de deux arbres indemnes. Illustration : Paul Lengellé
Hélène Boucher
En 1933 "Léno" cherche un nouveau challenge et, sur les conseil de son ami Codos, un pilote émérite, elle tente un raid en avion vers l'Indochine... Le 23 février elle décolle du Bourget, le soir même elle est à Pise, le lendemain à Naples, le 16 février elle atterrit à Athènes, le 20 à Elep, le 21 à Ramadi situé à 110 km de Bagdad... C'est là qu'elle connait une grave avarie à son moteur, une fêlure au carter. Hélène Boucher fait transporter son avion par train à Bagdad mais le moteur est irréparable ! Le 6 mars elle reçoit de Paris le moteur de rechange mais ses ennuis ne font que commencer... Sur place, les anglais ne font rien pour aider la petite française à réparer son avion. Ils ne sont pas pressés, en effet de voir la réussite d'une aviatrice étrangère. Dans son journal de bord, Hélène Boucher parlera de l'attitude peu coopérative des mécanos anglais :
Ils travaillaient deux heures chaque après-midi , mettant un boulon toutes les deux minutes. Et elle parle plus loin de "négligences impardonnables" dans le remontage de son moteur neuf : Un cylindre remis de travers, le tuyau d'échappement mal monté. Elle décide de ne pas poursuivre ce raid si mal engagé.
Le plus dur est encore l'attitude du gouvernement français qui ne ferai rien pour elle. L'état se borne en effet à apporter une aide matérielle aux seul avions français et Hélène Boucher pilote un avion anglais ! L'administration s'enfermera dans ses règlements et laissera une courageuse jeune française de 24 ans se débrouiller toute seule !
Hélène rentre à Paris dans son avion mal réparé et, brisée par la fatigue, s'abandonne et pleure, à la manière des enfants, le front sur son bras replié. Plusieurs de ses amis la regardent, Maillet, Codos, Bardel, bouleversés par son désespoir. Codos la réconforte :
"- Ne pleure pas Léno. tu n'as pas fait moins que ce que n'importe lequel d'entre nous aurait fait à ta place !... Seulement tu n'as en toi que de la gentillesse, de la bonté et tu as fait connaissance avec la méchanceté des hommes !... ce qui vient de t'arriver t'aura durcie"....
PREMIERS SUCCESLe petit avion Mauboussin bleu et argent. Illustration : Paul Lengellé
Hélène rend son appareil au propriétaire anglais
-"Je vous ramène votre appareil, dit-elle. Tirez-en le meilleur prix et payez-vous de ce que je vous dois encore...
Ainsi fut fait.
Il ne lui restait plus qu'a se procurer un autre avion et à tenter, le plus tôt possible, autre chose.
Un jour, Maillet lui dit :
"-Vous ne connaissez pas Mauboussin, le constructeur ?... C'est un type à vous prêter un appareil pour les douzes heures d'Angers qui se courent dans deux semaines.
-Je ne connais pas Monsieur Mauboussin et je n'oserai jamais lui demander qu'il me prête un de ses avions.
- Moi, je le connais, et le lui demanderai pour vous !"
Mauboussin reçut la proposition assez tièdement dans un premier temps mais l'idée lui vint que la présence d'une jeune fille dans cette épreuve d'endurance et de distance ne manquerait pas d'attirer l'attention sur l'appareil qu'elle piloterait, et il demanda à la rencontrer.
A l'issue de l'entretien, le constructeur était conquis par l'extraordinaire personalité d'Hélène Boucher et il accepta de lui confier un de ses appareils, un joli petit avion tout neuf, équipé d'un moteur de 60 CV, qu'il fit peindre aux couleurs qu'elle désigna : bleu et argent.
La course eut lieu le 2 juillet 1933.
Les douze heures d'Angers consistaient à voler pendant douze heures consécutives, de 6 heures du matin à 6 heures du soir à une vitesse aussi soutenue que possible sur un circuit comportant 4 virages.
Hélène Boucher fit, ce dimanche une course étonnante de régularité et de souplesse qui lui valut d'être portée en triomphe par la foule ! Tandis que le leader de l'équipe mauboussin totalisait 1650 km, Hélène s'était classé immédiatement derrière avec 1645,864 km - La performance était magnifique compte tenu du peu d'entrainement dont elle avait pu bénéficier sur le petit avion, les journeaux publièrent sa photographie, on lui prit des interviews, elle parut dans les actualités et sur les écrans...
Un mois plus tard, le 21 août 1933, Hélène s'attaque au record du monde d'altitude pour avion légers. Avec ses 60 CV, elle se hissera jusqu'à 5900 mètres !
Le record précédent, détenu par l'américaine May hailip, était battu.
HELENE BOUCHER, l'ACROBATESous la férule de Michel détroyat, Hélène se lance à corps perdu dans l'acrobatie aérienne. Détroyat, l'as des as devient son maître. Le 8 octobre 1933, Au terme de 4 semaines d'entraînement intensif, Léno est jugée capable de se mesurer à la célèbre championne allemande Vera von bissing.
La rencontre eut lieu à Villacoublay, devant 100 000 spectateurs venus voir s'affronter, dans un match de haute école aérienne le célèbre pilote allemand Fieseler et le non moins célèbre Détroyat. Mais le programme comportait aussi les vols acrobatiques de la championne allemande et Hélène Boucher...
"La démonstration de ces deux femmes fut merveilleuse", a écrit un témoin. Illustration : Paul Lengellé
"La démonstration de ces deux femmes fut merveilleuse", a écrit un témoin. Aucun classement ne devait les départager. la foule en délire hurlait sa joie dans un brouhaha aigu duquel s'échappaient
sans relâche ces deux mots : "Hélène Boucher, Hélène Boucher ! ". Elle avait volé très bas, éxécuté à portée des yeux de tous, trois tours de vrille à gauche, puis à droite, deux loopings, un immelmann, deux tonneaux rapides, un autre tonneau plus lent, enfin un long vol sur le dos.
A sa descente, elle dut faire, sous les "vivas" de la foule, deux tours de terrains sur le siège arrière d'une voiture. et Détroyat déclara :
"Dans quelques mois, elle sera la meilleure acrobate du monde !"
RECORD WOMAN DU MONDE DE VITESSE !Hélène Boucher est désormais reconnue par tous comme un grand pilote. Les engagements lui viennent maintenant nombreux. Elle vole de meeting en meeting... Partout on l'acclame. C'est à ce moment que le constructeur d'avions de course Caudron-Renault lui offre un contrat. Elle va être sera pilote de vitesse à bord de ces nouveaux avions "Rafale", ces "Squales de l'air" que tire un moteur de 150 CV.
Une année vient de s'écouler depuis la 2ème place d'Hélène lors des 12 heures d'Angers. La nouvelle édition aura lieu le 8 juillet 1934.
Caudron rafale CL 450 à Etampes Hélène Boucher, à pleine vitesse au décollage, s'entraine à Etampes, en 1934... Illustration : Benjamin Freudenthal
La jeune championne y pilotera un "Rafale" - Elle est heureuse.
Volant à 50 mètres du sol, 12 heures durant, et ne se posant que 3 minutes toutes les 4 heures pour faire le plein, Hélène Boucher se pose sans nervosité ni hâte au signal de la fin de la course à 6 heures du soir. Elle apprend qu'elle s'est classée 2ème à la moyenne de 235 km/h devant Maurice Arnoux, pourtant vainqueur de la célèbre "coupe deutsch" ! De plus, elle avait, sans s'en rendre compte battu le record du monde des 1000 km pour avions légers.
Après cet exploit, on eût trouvé naturel qu'elle se donna la joie de le savourer et de prendre un peu de repos. Mais la jeune femme était pressée d'employer intensément le délai que le destin lui avait imparti. Aujourd'hui, c'est elle qui propose les nouveaux défis à Riffart, chef des avions de course Caudron :
"- Confiez-moi un monoplace de grande vitesse... Il y a un certain nombre de records du monde que je veux essayer de battre !".
Un Caudron CL 450 lui est confié. Conçu pour voler plus vite, doté d'un moteur tout neuf, mis au point avec des soins exceptionnels. Et, dans le plus grand secret, appareils, pilotes, mécaniciens, ingénieurs se rendent en Provence, à Istres, où les conditions à ce genre de tentative sont les meilleures.
Hélène bat une première fois le record du monde des 1000 km le 8 août à la moyenne de 409 km/h. L'ancien record appartenait à l'américaine Amelia Earhart avec 282 km/h, chez les hommes c'était rené Arnoux le détenteur avec 393 km/h.
"- On peut faire mieux ! affirme néanmoins Hélène Boucher. Et dès le surlendemain, elle recommence avec la secrète ambition d'enlever à l'américaine May Hailip le record de vitesse pure détenu avec 405 km/h.
...des bandes de toile blanche qui permet à l'aviatrice de voler selon une ligne droite parfaite. Illustration : Paul Lengellé
Pour parfaire la prestation de "Léno", on travaille toute la nuit pour disposer sur le sol, de place en place, tout au long des 3 kilomètres des bandes de toile blanche qui permet à l'aviatrice de voler selon une ligne droite parfaite.
Hélène Boucher pulvérise l'ancien record et le porte à 444 km/h.
Un jour, un ami lui dit :
"- Léno, vous voilà au sommet de la gloire. Qu'allez-vous faire maintenant ?" - Mais le ton n'était pas tout à fait celui d'une interrogation.
" - Que voulez-vous dire ?
- Pourquoi ne pas vous arrêter ?
- M'arrêter ?
- Oui... Vous marier, fonder un foyer, vous consacrer à lui, à vos enfants... Oublier l'aviation.
- Oublier l'aviation ?
- Peut être pas complètement. Mais n'en faire désormais que pour votre plaisir, en touriste... Croyez-moi Léno, et comprenez-moi : continuer ce que vous faîtes depuis quelques temps, avec tous les risques que cela comporte..."
Lors d'une discussion avec sa meilleure amie elle lui confia :
"- Je sais que j'y passerai comme les autres... Il n'y aura pas d'exception pour Hélène Boucher".
Elle continua. Et, pour Hélène Boucher, il n'y eut pas en effet, d'exception.
Le 30 novembre de cette même année 1934, elle s'écrasa à Orly, au cours d'un vol d'entraînement.
Hélène Boucher avait 26 ans.
Source: http://www.flyandrive.com/boucher01.htm