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| Le singe parachutiste | |
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Roger Bodson Pro !
| Sujet: Le singe parachutiste Mer 17 Déc 2008 - 20:46 | |
| Suite à l’article concernant la carrière scoute du Colonel BLONDEEL, publiée dans le REMEMBER n°2, Jean TEMMERMAN nous a fait parvenir le point de vue de la mascotte des premiers SAS belges sur le Captain BLUNT.
LE CAPITAINE
« Ses manières, son langage étaient des plus distingués. Son esprit vif et enjoué se montrait dans sa conversation aussi instructive qu’amusante. Il avait toujours quelque chose d’aimable pour ceux qui l’approchaient et le récit qu’il nous faisait d’une foule d’histoires et d’aventures qu’il contait à merveille donnait un grand charme à sa société... »(Extrait d’une description d’Edouard Bondeel van Cuelebroeck, 1809-1872, par Oscar de Colombier.- Cité par A. Duchesne dans ‘L’expansion mondiale de la Belgique’ collection ‘La Nation’ éditée par le service d’éducation à l’armée).
Ces lignes puisées dans une brochure tombée entre mes pattes par je ne sais quel hasard ou rapine, m’ont paru dépeindre on ne peut mieux notre capitaine en dehors des heures de service. Pendant celles-ci, au contraire, le capitaine avait la chaleur communicative d’un bloc de glace et l’amabilité empressée d’une brosse de crin végétale. Son regard aigu décelait instantanément tout manquement à l’ordre des choses militaires; une succession de questions rapides et sèches, prononcées d’une voix étrangement métallique, claquait aux oreilles du délinquant dont les réponses se faisaient de plus en plus hésitantes. Le délit découvert, stigmatisé et sanctionné, le capitaine démontrait le préjudice causé à l’unité, voire à l’Etat, par la faute du coupable (qu’il s’agisse d’un fusil mal nettoyé ou d’un réveil tardif) et laissait sur place un individu plus frappé de stupéfaction que de repentir devant les conséquences considérables d’un acte insignifiant.
L'éloquence du capitaine se manifestait souvent le matin après le salut au drapeau. Le menton en avant, les mains croisées derrière le dos, se balançant légèrement sur la plante des pieds, il commentait savamment quelques points de doctrine parachutiste. Des points d’ordre secondaire.
Jamais il ne communiquait à ses hommes le fruit de ses travaux nocturnes: c’eût été de la confiture jetée à des porcins.
Mais il n’hésitait pas à affirmer que le bord du béret lie-de-vin devait se trouver trois doigts (en largeur) au-dessus des sourcils. La malice du Créateur n’ayant pas donné la même largeur aux doigts des parachutistes, le capitaine précisait que cette mesure équivalait à 7 centimètres ou à 21/2 pouces.
Pour que nul ne soit censé ignorer la loi, le capitaine énonçait ses prescriptions en anglais, en français et en flamand, sans se soucier du soleil qui congestionnait ses administrés ou de la neige qui les couvrait peu à peu.
Ces allocutions trilingues ne portaient pas toujours l’effet voulu, certains ne saisissant pas complètement la justification des règles prônées. C’est ainsi qu’au cours d’une leçon sur les maladies vénériennes le capitaine avait vivement conseillé à ses hommes de ne pas abuser des boissons alcoolisées pour résister plus facilement aux sollicitations féminines: après la parade un soldat confia à ses voisins: « Curieux, je ne savais pas que c’était en buvant qu’on attrapait ces histoires-la ».
« Victoire égale volonté » enseignait le maréchal Foch à l’école de guerre. J’ignore à quelles victoires aspirait le capitaine, mais il déployait une volonté indomptable. L’orsqu’il ne pouvait donner essor à ses qualités naturelles il versait parfois dans l’amertume, jamais dans le découragement. Il immolait son intérêt personnel, ses amitiés, tendu sans trêve en un perpétuel effort.
Ce Spartiate se muait quelquefois en Athénien. Comment? Mystère... A certaines heures de détente le chef faisait place à un charmant compagnon, gai, commensal au commerce agréable. Son esprit étonnamment cultivé n’avait pas d’égal pour aborder avec intelligence les sujets les plus divers.
Une ironie que ses hommes n’auraient jamais devinée enveloppait ses considérations sur tel ou tel aspect déplaisant de la vie militaire. Et tout féru de statistiques qu’il fut, cet ingénieur ne dédaignait pas de taquiner les touches du piano ou de détailler une oeuvre d’art en esthète.
A dire vrai, le capitaine ne m’aimait guère; il en est d’ailleurs souvent ainsi quand deux êtres d’élite viennent à se rencontrer: ils se repoussent plutôt qu’ils s’attirent. Malgré son antipathie, foi de singe, je dois reconnaître qu’il fut un des humains dont la personnalité me frappa le plus.
Extrait du livre de Jean TEMMERMAN: « Le singe parachutiste » | |
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