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| La "cavale" du colonel Argoud | |
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ZITOUNE Pro !
| Sujet: La "cavale" du colonel Argoud Ven 15 Juil 2011 - 8:05 | |
| Après l’échec du Putsch, du 21 avril 1961 , Antoine Argoud avec le colonel Lacheroy décident de gagner l’Espagne, ou ils arrivent le 12 juillet, et le colonel Argoud raconte cette vie d’errance avec quelquefois un peu d’humour.
Sur place j’ai été l’objet d’un curieux marché: le gouvernement français m’a troqué contre des oranges! Eh oui, le général Franco est un bon commerçant, alors il a pensé que l’achat par la France de quelques tonnes de ces agrumes compenserait largement la main mise du FLN sur l’Algérie. Et c’est ainsi que je me suis retrouvé un beau jour incarcéré à la « seguridad » comme un prisonnier de droit commun. On m’expédia ensuite le plus loin possible, aux îles Canaries, ou je restai six mois. Ce n’était pas exactement du tourisme! J’avais en permanence deux policiers « à mon service ». J’en avais tellement marre des ces anges gardiens que j’essayais par tous les moyens de m’en débarrasser. J’avais découvert qu’ils n’avaient pas le goût pour le « crapahute », alors souvent ils m’attendaient au bord de la mer pendant mes courses dans les dunes. Et, un jour, je leur faussai compagnie en leur faisant croire que je rentrerais directement à l’hôtel.
Le lendemain quand ils s’aperçurent de mon évasion, j’étais en train d’atterrir à Madrid. Avec un passeport maquillé, un billet pris par un complice, et un grimage savant j’avais réussi à prendre un bateau pour Santa Cruz de Tenerife, et de là à sauter dans l’avion de Madrid, d’ou je pris aussitôt la correspondance pour Francfort. C’était le 28 février 1962.
Alors commença pour moi la période de clandestinité dans différents pays d’Europe. Elle allait durer un an jusqu’à la date de mon enlèvement, le 25 février 1963, pendant laquelle j’ai traversé clandestinement 70 frontières. Dès mon arrivée à Francfort, j’étais décidé à rejoindre le général Salan en Algérie. Je n’avais pas toujours été d’accord avec lui sur les méthodes, mais pas sur le fond; Plusieurs semaines me furent nécessaires pour réunir les papiers indispensables. Enfin je pénétrai en France et arrivé à Nice, sur le point de partir pour Marseille et l’Algérie j’appris, nous étions le Vendredi Saint, l’arrestation de Salan. Nouveau Coup dur. Pas question de rejoindre l’Algérie sans Salan, ou j’avais l’impression, fondée je crois, que des gens de l’Organisation étaient tout prêts à me faire la peau…Il n’y avait plus qu’une solution, essayer de retrouver le président Bidault et Jacques Soustelle pour continuer la lutte.
Très vite après mon arrivée en Allemagne en février j’avais pu rencontrer une première fois Georges Bidault auquel je tiens à rendre hommage pour son courage admirable. Mais la situation n’était pas brillante: nous étions proscrits de partout; Avant de me faire prendre à Munich, j’ai failli une première fois, à Bruxelles en juillet 1962, aux mains des barbouzes français. J’ai été mis en prison par les italiens et renvoyé en Suisse… D’une façon générale, les étrangers nous toléraient aussi longtemps que le gouvernement français ne nous avait pas localisés . Les Italiens, qui se sont montrés plutôt »fair play », me l’avaient expliqué clairement: Comprenez bien mon colonel, quand votre gouvernement nous dit que vous etes chez nous, dans telle ville, à tel endroit, nous sommes obligés de vous mettre à la porte. A vous de vous débrouiller pour revenir avec un autre nom et de ne plus vous faire prendre…
Ainsi ai-je navigué pendant des mois, d’Italie en Belgique, de Belgique en Allemagne. La Belgique était plus commode pour envoyer de la propagande, ou donner des instructions en France. Malheureusement elle nous était assez hostile.Et pourtant je désirais à tout prix maintenir des liaisons, une unité, rien de plus difficile dans la clandestinité. Se faire une nouvelle personnalité ce n’est déjà pas si commode, mais en changer tous les jours c’est pratiquement impossible. J’ai pourtant fais de rapides progrès. J’avais un passeport espagnol, je ne parle pas un mot d’espagnol, un passeport italien, un passeport belge et plusieurs français. Mais nous n’étions jamais vraiment à l’abri, nous savions qu’à chaque instant, à travers l’Europe, des hommes guettaient notre trace, inlassablement, attendant leur heure. En ce mois de janvier 1963, à Munich, je sentais à certains signes que le filet se resserrait, le dénouement n’allait pas tarder…
Effectivement la fin de « cavale » ne tarde pas. Le 25 février le colonel Argoud est enlevé par des barbouzes, truands notoires, Jo Attia, Boucheseiche et Renucci…. Rien que du beau monde, de la gestapo à l’affaire Ben barka…soit, c’est une autre histoire. Donc ces barbouzes laissent Argoud dans une fourgonnette, ligoté, le visage tuméfié, près de la préfecture de police, sans avoir oublié de lui voler son portefeuille…
Alors, avec une cordelette, il m’a ficelé comme un saucisson. Nous avions l’air de jouer aux indiens. Il a fait plusieurs tours, mais sans serrer. Son petit jeu terminé il est sorti et je suis resté seul dans la fourgonnette. Cinq ou six fois il est revenu jeter un coup d’œil à travers la vitre pour voir si j’étais toujours là puis il a disparu. Tout autour il y avait des enfants qui jouaient aux gendarmes et aux voleurs, et l’un deux s’est approché pour regarder à l’intérieur. En me voyant ainsi adossé, somnolant à demi, il a appelé ses camarades: -Eh visez un peu le macchabée! Moi je me suis mis à protester vigoureusement. - Dites donc, là, pas si vite, je ne suis pas un macchabée! Alors ils m’ont regardé avec des yeux ronds, comme si j’avais ressuscité sous leurs yeux. Un attroupement s’est formé et on a fini par appeler un agent. Celui-ci ahuri et dépassé va rendre compte à ses supérieurs, et au bout d’un quart d’heure je vois arriver un officier de police en civil. - Je suis le colonel Argoud. Voyez comment la France traite ses officiers! Jouait-il la comédie? Etait-il au courant? Toujours est-il qu’il feignit une surprise qui après tout était peut être réelle; - Mais que vous est-il arrivé, mon colonel? Qui vous a mis dans cet état,? Voulez vous qu’on cherche vos agresseurs? Je répondis que c’était bien volontiers, mais je ne me faisais guère d’illusions sur la possibilité de les retrouver. A dix mètres de là , je l’ai su plus tard, l’un des gros bonnet de la police surveillait la scène, le directeur de la sûreté nationale en personne. Au bout d’un quart d’heure, hélas, on en était au même point: j’avais encore les menottes qu’on m’avaient mises à Munich, dix sept heures plus tôt, et ils n’avaient pas de clefs pour les ouvrir. On ne m’avait même pas fouillé. Bref pour une fois que je tombais sur des vrais policiers, ils ne faisaient pas leur métier! J’en fis la remarque à mon inspecteur en ajoutant: - Dites donc, vous n’etes pas très forts dans la police. Il se mit à rire d’un air gêné et se décida enfin à me conduire au quai des orfèvres.
C’est avec une extrême courtoisie que le commissaire Bouvier, celui du Petit-Clamart, m’accueillit dans cette vénérable maison. Et bien que les formalités auxquelles je dus me plier ne furent pas agréables, il s’en acquitta avec une délicieuse urbanité. Cette séance terminée il me demanda: -Que vous est-il arrivé? -J’ai été enlevé. -Pae qui? -Par les sbires de de Gaulle. -Ce n’est pas possible! On va faire une enquête. -Allons monsieur le commissaire, vous n’allez tout de même pas demander à de Gaulle de s’attacher le bras droit avec le bras gauche.
A l’heure du dîner j’ai pu voir ma bobine à la télévision, ou l’on parlait assez longuement de mon enlèvement rocambolesque. - Voulez vous me dire quelque chose? Me demanda Bouvier. - Je n’ai rien à vous dire, sauf sur les circonstances de mon enlèvement. Et j’ajoutai en riant: -Cela vous aidera peut être à retrouver les coupables!
Je fis une déclaration assez longue en présence de deux officiers de la sécurité militaire comme il est de règle. J’en connaissais un: nous avions été ensemble en Algérie, mais lui faisait semblant de m’ignorer. -Tout ça n’a aucun sens, disait-il sans s’adresser à moi. C’est certainement l’OAS qui l’ont enlevé pour le conduire chez Château-Jobert. Par la suite c’est une version qu’on a essayé d’accréditer. Ai-je besoin de dire qu’elle est complètement absurde. Ce soir là, j’ai couché au dépôt.
Le lendemain matin j’eus droit à une petite promenade jusqu ’au palais de justice. On me fis passer par la « souricière » dans les souterrains. Tout les trois mètres il y avait un gendarme mobile armé d’un pistolet mitrailleur. Et pour quelle raison? Coincé dans cette chausse-trappe avec mes menottes, je me demande vraiment ce que j’aurais pu faire. Devant le juge d’instruction je n’ai pas desserré les lèvres, si bien que l’interrogatoire a été plutôt bref. A 19 heures ce soir là, 28 février, les portes de Fresnes se refermaient sur moi. Ma détention allait durer cinq ans.
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| | | ZITOUNE Pro !
| Sujet: Re: La "cavale" du colonel Argoud Ven 15 Juil 2011 - 8:09 | |
| C’est dire si j’ai eu le temps de réfléchir! A la lumière d’évènement comme l’affaire Ben Barka, à l’aide de renseignements, d’indiscrétions, et de bavardage, j’ai réussi à reconstituer le puzzle et à tirer les conclusions suivantes: Mon enlèvement a été organisé et exécuté par trois cellules biens distinctes.
1/ Des officiers parachutistes français du 11e Choc. Des volontaires, je l’ai su, avaient été demandés dans ce bataillon. La plupart des officiers ont refusé, mais il y eut des exceptions. Leur avancement a montré qu’ils avaient eu raison du moins provisoirement;
2/ Des truands de la bande de Jo Attia, dont certains ont resservi deux ans plus tard dans l’enlèvement de Ben Barka. J’ai toutes les raisons de penser par exemple, que Georges Figon* a été mêlé à mon affaire. Malheureusement pour lui, ça lui a coûté très cher. Ayant participé à mon enlèvement, Figon détenait ainsi un moyen de chantage, ce qui explique, à mon avis, l’étrange immunité dont il bénéficiait. Mais sans doute a t-il voulu en tirer un trop grand parti. Alors un jour, ses « commanditaires » ont pensé qu’il allait leur attirer de tels ennuis qu’il valait mieux le supprimer. Quelle autre solution, en effet, quand on sait que Figon pouvait d’un moment à l’autre mettre en cause le gouvernement français, ce gouvernement qui avait nié avoir la moindre responsabilité dans mon enlèvement et se serait trouvé ainsi dans l’obligation de rendre des comptes à l’Allemagne. Oui, c’est pour ça qu’ils ont tué Figon; mais il y a plus: J’ai constaté une ressemblance totale entre les photos de certains protagonistes de l’affaire Ben Barka et quelques uns de mes ravisseurs. J’ai rassemblé tous les éléments consignés, toutes les preuves: Un jour je les révélerai publiquement.
3/ Le troisième groupe, enfin, était constitué par des hommes de la police officielle française.
Ces trois cellules s’étaient distribué le travail; C’est un inspecteur de la sûreté qui organisé l’opération. Ce sont les militaires qui en ont couvert une partie en territoire allemand: Fourniture et protection de la voiture, utilisation du réseau téléphonique de l’armée , accueil au quartier de Lattre à Baden. Ce sont les truands finalement qui se sont mouillés le plus. Ils ont du être grassement payés mais on avait du leur faire comprendre qu’en cas d’incident, ils ne seraient pas couverts.
Reste à savoir qui a commandité l’expédition. Des officiers français , le ministère de la guerre, le ministère de l’intérieur? Il est difficile de répondre, mais pour réunir une telle concentration de moyens sur une territoire étranger, il a bien fallu que l’ordre fut donné à l’échelon le plus élevé, ou tout au moins un accord de principe conclu.
Dans quelle mesure, enfin, les autorités allemandes étaient elles de connivence? A mon avis, la police officielle n’était pas au courant, mais la « parallèle » oui. Une partie en tout cas: celle qui constitue le « réseau de guerre » allemand; Autrement, comment aurions nous pu franchir aussi aisément la frontière? J’au beaucoup appris en dirigeant le deuxième bureau. Je sais qu’il existe des accords entre les services des deux pays. On fait passer des espions, des agents, à charge de revanche bien entendu. Quant au gouvernement allemand, il avait du lui aussi donner un accord de principe, quitte à protester ensuite pour la forme. La preuve ses réactions ont été assez molles. La police a fait son travail, elle a enquêté et lancé des commissions rogatoires auxquelles les français, d’ailleurs, n’ont jamais répondu.
C’est tout dire. Au moment de mon procès l’affaire a un peu rebondi et l’opinion d’outre-Rhin a semblé s’émouvoir. Mais tout cela n’est jamais allé bien loin. Bref je pense que si les allemands avaient vraiment voulu me récupérer ils avaient amplement les moyens d’y parvenir. Je ne citerai qu’un précédent: En 1934, Hitler, avait fait enlever à Bale, un journaliste juif, dans les mêmes circonstances, en plein carnaval. Et Hitler ce n’était pas un tigre en papier! Eh bien, la petite Suisse a si vivement protesté qu’on a fini par rendre le journaliste.
Au soir de mon incarcération à Fresnes, j’étais persuadé que si l’on m’avait épargné jusque là, c’était pour mieux me fusiller. On jugeait à cette époque, le colonel Bastien-Thiry pour l’attentat du Petit-Clamart. Or, comme j’avais toujours proclamé que j’étais le chef de l’OAS métropole, il était facile de me faire porter le chapeau. En fait j’ignorais tout du projet, mais il m’aurait été impossible d’en faire état. Je me serais tu et nous aurions été fusillés tous les deux.
A ma grande surprise pourtant, je ne fus jamais impliqué dans le complot du Petit-Clamart. Et le 2 ou 3 mars le directeur de la prison vint me voir dans ma cellule pour me dire, à ma stupéfaction, que je n’étais pas passible de la peine de mort! Le régime de Fresnes était sévère: le plus dur pour moi, qui aime tant remuer, c’était de rester 22 heures sur 24 dans une cellule de 8 mètres carrés. Enfin au mois de novembre, la justice parut se souvenir de moi. - Vous allez bientôt être jugé, vint me dire le juge d’instruction, je viens vous poser quelques questions. - Je ne dirai rien. - Tant pis. Je vais écrire: il ne répond pas.
Le procès fut fixé au 26 décembre. Je dis à mes avocats que je refuserai d’assister à cette parodie, mais la veille de la première audience, Me Le Coroller vint me relancer: - Si vous ne venez pas, on ne parlera pas de Munich. Je voulais qu’on en parle, alors je suis venu. Ce furent deux jours de comédie burlesque: je n’ouvris pas la bouche. J’avais tout de suite compris que la vérité ne sortirait jamais et que mon destin, de toute manière, était déjà scellé.
Il y eu tout de même des moments amusants, notamment, quand un journaliste allemand cité comme témoin vint déposer à la barre. La tête du président faisait peine à voir. Il fit rapidement comprendre au témoin qu’il avait tout intérêt à se taire. Au moment du jugement, malgré tout, M de Chezelles, dans ses attendus, ne s’opposa pas à ma restitution à l’Allemagne, ce qui revenait à reconnaître implicitement la responsabilité du gouvernement français. Je pense qu’en haut lieu on a pas du tellement apprécier. Le lundi 29 décembre, l’affaire devait être jugée « sur le fond », et cette fois je jugeais utile ma présence inutile et refusai de suivre le gardien. Pendant une demi-heure, paraît-il, tout le monde se concerta sur la conduite à tenir. Le garde des sceaux fut alerté et peut être même l’Elysée. Finalement devant mon attitude irréductible, mon refus même de m’habiller, ils ont préféré renoncer. C’est donc dans ma cellule que j’ai connu mon sort: détention à perpétuité. Je restai encore un an à Fresnes, toujours au secret, avec pour seules visites celles de ma famille et de quelques amis. Alors je leur rendis la vie tellement impossible qu’ils finirent par m’envoyer à la Santé, le 27 janvier 1965.
La Santé ce n’est pas un palace. Mais comparée à Fresnes, c’était le paradis. J’y ai retrouvé des camarades, nous prenions nos repas ensemble, nous pouvions circuler plus librement et descendre dans la cour quand on voulait. On était enfermé que la nuit. En ai-je fais des tours, dans cette cour! En trois ans et quatre mois, à raison de huit à dix kilomètres par jour, j’y ai parcouru quelque 3500 km! C’était le seul moyen de me maintenir dans un état physique et mental à peu près convenable. Et puis je lisais beaucoup, il fallait aussi songer à apprendre un autre métier: alors j’ai repris mes études de graphologie.
Je ne me faisais pas trop d’illusions sur ma libération. Je savais que je sortirais le dernier, avec le général Salan. Ce n’est pas rien qu’on m’avait fait enlever.
Propos recueillis par Vincent Moscardo.
* Georges Figon, 39 ans, avait été retrouvé tué d’une balle dans la tête le 17 janvier 1966 dans un studio parisien, cerné par la police. La thèse du suicide fut accréditée immédiatement et officiellement…
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| | | renaud confirmé
| Sujet: Re: La "cavale" du colonel Argoud Jeu 6 Sep 2012 - 23:39 | |
| Très intéressant. Merci Zitoune Période trouble des gaullistes après guerre d'Algérie Merci à Pérignon pour le lien, j'avais zappé le sujet. | |
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| Sujet: Re: La "cavale" du colonel Argoud | |
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