Avec les soldats français en renfort en Afghanistan.Adrien Jaulmes, envoyé spécial à Nijrab 21/07/2008.
Sur la base avancée de Nijrab, au nord-est de Kaboul, Hervé Morin a rencontré les parachutistes du 8e RPIMa. Crédits photo : AFP.
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, est allé soutenir ce week-end les militaires qui se déploient dans la province de Kapissa, sous commandement direct de l'Otan.Le drapeau tricolore flotte sur le fort, perché sur une crête au confluent de deux vallées, rubans verts entre les montagnes beiges. La vallée de Tagab, qui descend entre les pentes abruptes des contreforts de l'Hindoukouch, rejoint celle d'Afghania, en direction du sud et de la rivière Kaboul. Le fort a été construit par les Américains pour contrôler ce verrou stratégique sur une route qui traverse la province de Kapissa et donne accès à celle de Kaboul. Les remparts sont des empilements de «bastion walls», ces gabions pliants du Génie américain, remplis de terre et de cailloux. Il a été baptisé Morales-Frazier, en l'honneur de deux de leurs soldats, tués dans un accrochage avec les talibans. Car si la vallée de Tagab, peuplée de Tadjiks, est relativement calme, celle d'Afghania, à majorité pachtoune, est infestée de rebelles. Les insurgés afghans utilisent cette région comme base arrière pour préparer des attentats contre la capitale afghane.
Ce paysage majestueux est donc, d'un point de vue militaire, un «sale coin». C'est depuis le 14 juillet le fief des Français du Groupement tactique interarmes (GTIA), formé par le 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa), qui a relevé la semaine dernière les Américains de la 101e division aéroportée dans ce quadrilatère fortifié et entouré de barbelés situé en plein «territoire comanche». Fort de quelque 400 hommes, le GTIA fait partie des renforts français, longtemps réclamés par nos alliés, et dont l'envoi en Afghanistan a été décidé lors du sommet de l'Otan au printemps.
Le colonel Arragonès, commandant le 8e RPIMa, sait que le terrain est favorable à l'adversaire. «Les montagnes sont très découpées, le terrain est très compartimenté et favorise la surprise. Les champs et les vergers au fond des vallées forment un couvert dense qui permet de se camoufler. Tout est favorable à des embuscades», explique l'officier français.
«Nous sommes dans un secteur difficile, et le 8e RPIMa est une unité aguerrie, dit le général américain Milley, le commandant adjoint de la 101e division. Nous sommes heureux que nos alliés français soient déployés à nos côtés.»
«Au milieu du gué»Le détachement sera au complet début août, déployé sur deux forts, celui de Nijrab et celui de Tagab, à une trentaine de kilomètres plus au sud. Les premiers éléments français ont déjà pris contact avec leurs adversaires talibans. «Nous avons eu quatre accrochages dans la vallée d'Afghania ; nos mortiers ont ouvert le feu, et nous avons fait deux demandes d'appui aérien», dit le colonel Arragonès. «Je suis ici pour remplir une mission de guerre», conclut-il, avec la simplicité des soldats qui ne s'encombrent pas de périphrases.
L'Otan fait face à une insurrection qui a étendu ses zones d'action depuis l'an dernier et fait preuve de beaucoup de mordant. Les 70 000 hommes de la coalition présents en Afghanistan sont trop peu nombreux pour tenir le terrain et les états-majors réclament des renforts. Les Canadiens, Britanniques et Américains, qui subissent les plus lourdes pertes dans le sud et l'est du pays, demandent à leurs alliés de prendre leur part de risque dans cette première opération de l'Otan en dehors des frontières de l'Europe.
Le déploiement du GTIA en province de Kapissa marque le début de l'engagement terrestre français direct dans la guerre. Un bataillon français déployé à Kaboul participe depuis 2002 à la stabilité des institutions afghanes et à la sécurité de la ville, mais il n'a jamais mené d'opérations offensives. Les instructeurs français détachés auprès de la jeune armée afghane dans les équipes ont, eux, déjà été sous le feu, mais toujours en appui des Afghans.
Le GTIA est, lui, une unité de combat, placée sous commandement direct de l'Otan, représenté par un général américain. «C'est la première fois depuis la guerre de Corée que des troupes françaises seront commandées par des Américains», constate le colonel Arragonès. Ses règles d'engagement seront les mêmes que celles des autres troupes de la coalition. Les Français feront appel aux appuis aériens de l'Otan, des bombardiers américains qui décolleront de la base de Bagram toute proche seront guidés en anglais par les contrôleurs avancés français.
Le ministre de la Défense Hervé Morin, qui faisait ce week-end le tour du dispositif français en Afghanistan, passant notamment une nuit dans le fort de Nijrab, a expliqué cet engagement accru : «Notre mission en Afghanistan est majeure.
Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser l'Afghanistan redevenir comme sous les talibans une base arrière pour tous les terroristes.»
«Même si les insurgés ont augmenté leurs attaques, il y a aussi des signes positifs : la nouvelle armée nationale afghane va se voir confier au mois d'août la responsabilité de la sécurité de la zone de Kaboul, ce qui n'était pas envisageable il y a un an, a souligné le ministre de la Défense. Nous sommes en quelque sorte au milieu du gué. Nos efforts ne sont pas vains, et notre sécurité passe par celle de l'Afghanistan.»
source: Le Figaro
et une vidéo source EMA ICI