Il y a un précédent célèbre:
"La vitesse maximale à laquelle tombe un corps peut être calculée à l'aide de formules mathématiques complexes qui intègrent le poids du chuteur, sa surface (et donc la résistance qu'il oppose à l'air selon sa position), la densité de l'air, etc... Plus simplement des études réalisées en 1943 aux États-Unis ont permis de calculer que si un parachutiste de l'époque d'environ 85 kg mettait 24 minutes pour franchir 40 000 pieds (soit 13 000 mètres) à la vitesse moyenne d'environ 23 km / h, un chuteur libre ne mettait que 3 minutes pour franchir la même distance à la vitesse de 176 km / h. Enfin, la vitesse maximale étant atteinte au bout de 14 seconde de chute (soit une distance d'environ 550 m) ceci veut tout simplement dire qu'une chute de 5000 m ne présente potentiellement pas plus de risque qu'une chute de 500 mètres en terme de vitesse finale à l'impact.
ALKEMADE Nicholas - Sergent / Mitrailleur - Squadron 115 RAF
Alors qu'il se prépare pour sa treizième mission de bombardement sur l'Allemagne, le sergent Nicholas Alkemade est un peu nerveux. A peine âgé de 20 ans, il est mitrailleur dans la RAF et vole sur Lancaster au sein du Squadron 115. S'occupant du poste arrière, son rôle est primordial au cours de ces missions de nuit où la menace vient principalement de la Flak et des chasseurs de la Luftwaffe qui, en ce début d'année 1944 sont particulièrement bien organisés, dotés de radars performants et d'une puissance de feu redoutable suffisante pour abattre un bombardier lourd en une seule rafale d'obus de 20 et 30 mm. Isolé dans sa bulle de Plexiglas, il doit scruter le ciel en permanence afin de pouvoir tirer le premier en cas d'alerte.
Compte tenu de l'étroitesse de la tourelle arrière qui se compose de 4 mitrailleuses défensives Browning et de leurs munitions, la position est très inconfortable. Isolé du reste de l'équipage par une longue carlingue encombrée et difficile d'accès, le mitrailleur arrière peut toutefois communiquer par le biais de l'intercom, la radio du bord. La place est tellement réduite dans la tourelle que même le parachute est accroché aux flancs de la carlingue, en arrière de la tourelle (à gauche sur la photo de droite).
Outre le froid extrême qui règne à 6000 mètres (40° de moins qu'au niveau du sol), et les habituels barrages d'artillerie antiaérienne, les douze premières missions réalisées à bord du S comme Sugar se sont bien passées. En ce 24 mars 1944, la température est particulièrement glaciale et le Squadron 115 a perdu un peu de temps au cours de son survol de l'Allemagne, essuyant le tir nourri de la Flak au-dessus de Francfort. Éclairée par les pathfinder (éclaireurs) la ville de Berlin s'apprête à passer une nouvelle nuit sous les bombes des 300 appareils envoyés ce soir là pour tenter de détruire de nouveaux objectifs stratégiques. Arrivé sur l'objectif qui lui a été assigné, l'équipage largue ses 2 tonnes de bombes explosives et ses 3 tonnes de bombes incendiaires avant que le pilote Jack Newman ne donne l'ordre magique du retour.
A peine ont-ils amorcé le retour qu'une violente explosion secoue le Lancaster suivie par l'impact de projectiles. Atteignant l'avant dans un premier temps, la rafale déchire le fuselage avant d'atteindre la tourelle arrière dont le Plexiglas est troué par les balles. Indemne, Alkemade voit alors l'assaillant, un Junker Ju 88 isolé qui vole à 45 mètres à peine du Lancaster et qui se place en position de tir pour achever sa proie. Ripostant immédiatement, Alkemade parvint à toucher et à faire exploser le moteur droit du chasseur Allemand qui abandonne le combat en tombant. Euphorique d'avoir ainsi remporté sa première victoire aérienne, Alkemade est cependant rapidement rappelé à la réalité. La situation n'est pas brillante. Le feu qui s'est déclaré se propage dans la carlingue où se trouve son parachute. Au même moment, Alkemade entend le pilote qui donne l'ordre d'évacuation de l'appareil. Ouvrant la porte arrière de sa tourelle pour accéder au fuselage il découvre avec horreur que son parachute est la proie des flammes.
Comprenant immédiatement la gravité de la situation, Nicholas Alkemade déclarera plus tard avoir ressenti "son estomac se décrocher de son corps" en s'apercevant qu'il allait mourir. Malgré la situation, il reste calme et prend alors la décision qu'il ne périrait pas dans les flammes mais qu'il préférait une mort rapide et propre en se jetant dans le vide. Retirant son masque à oxygène déjà en partie fondu, il fait alors pivoter la tourelle de manière à placer l'orifice de la porte arrière restée ouverte face au vide et bascule dans la nuit.
Immédiatement, la terreur qui l'envahissait laisse la place à un sentiment de grande tranquillité et de calme. Ne ressentant pas la sensation de la chute, il a l'impression d'être couché sur un nuage et de se laisser porter, lui donnant le sentiment que la mort est finalement moins désagréable que l'idée qu'il s'en faisait. Ayant calculé le temps qu'il lui faudrait pour atteindre le sol, il sait qu'il ne lui reste plus que 90 secondes à vivre. Dans l'intervalle, il pense à cette prochaine permission, prévue dans une semaine et qu'il ne prendra pas, de même qu'il ne reverra pas sa fiancée, Pearl. Couché sur le dos, il observe les étoiles, ayant une dernière pensée pour la bestialité de cette guerre, avant de perdre connaissance.
Ne comprenant pas pourquoi il ressentait une telle sensation de froid, Alkemade croit tout d'abord être mort. Ouvrant un oeil, il aperçoit une étoile qui brille entre les sapins enneigés. Regardant sa montre, il note qu'il est 3 heures 10 du matin. Il est donc resté 3 heures inconscient... mais vivant. "Dieu du ciel" s'écrit-il alors, "je suis vivant". Ralenti dans un premier temps par les sapins, les 45 cm de neige qui recouvrent le sol ont fini d'amortir la chute, permettant ainsi au miracle de s'accomplir. Non seulement il était vivant après une chute de 6000 mètres mais l'analyse rapide de son état de santé ne semblait pas laisser apparaître de lésions grave en dehors d'une vive douleur au genou droit et de nombreuses ecchymoses et de quelques coupures et brûlures subies alors qu'il était encore dans le Lancaster. La douleur de son genou l'empêchant de marcher, il se résout alors à son futur sort de prisonnier. Commençant à souffrir du froid, il fait alors usage de son sifflet pour appeler de l'aide et ne pas mourir bêtement de froid. Alertés par les sifflements un groupe de Volkssturm finit par le retrouver fumant tranquillement une cigarette.
Ramassé sans vergogne, Alkemade manque de s'évanouir tant la douleur au genou est intense. Conduit à l'hôpital, il tente alors d'expliquer au médecin son aventure. Le prenant pour un fou, le médecin ne porte aucun crédit à son histoire. Transféré au Luft Stalag de Francfort, il subit trois interrogatoires et placé en isolement devant son insistance à répéter son histoire que bien sur, personne ne veut croire. Pour les autorités Allemandes, les mensonges évidents d'Alkemade le désignent alors comme un espion potentiel. Maintenant son histoire, Alkemade parvient finalement à persuader le Lieutenant Hans Feidal, de la Luftwaffe, de se rendre sur les lieux du crash du S comme Sugar et de voir si des restes du parachutes avaient subsisté, permettant ainsi d'attester sa version des faits. Découvrant mes restes calcinés du parachute, les Allemands doivent finalement admettre que celui-ci n'a pas été utilisé et que la version d'Alkemade, aussi incroyable puise-t-elle paraître était bonne.
Ses compagnons du Stalag lui remettront plus tard une bible dans laquelle il est écrit que les recherches conduites par les autorités allemandes permirent de vérifier les déclarations du Sergent Alkemade, numéro matricule 1431537 de la RAF, qui a effectué une chute de 6000 mètres sans parachute et qui est tombé sur des sapins et dans la neige sans souffrir de blessure.
Libéré en 1945, il travaille après-guerre dans une usine de produits chimiques à Loughborough. Un jour, une poutre d'acier de 100 kg lui tombe dessus. Secouru par ses collègues qui le croit mort, il s'en sort avec une blessure superficielle à la tête. Un e autre fois, il reçoit d'importantes projections d'acide sulfurique mais s'en sort encore indemne. Une autre fois, c'est une décharge électrique de forte intensité qui manque de le tuer. Une autre fois, il respire pendant plus d'une heure du chlore et s'en sort encore indemne. Finalement, il meurt le 22 juin 1987, à l'âge de 63 ans."