La torture… Pitoyable cécité ou criminelle lâcheté ?
« Tous ceux qui luttent aujourd’hui contre l’intégrisme seront demain les artisans de la démocratie, parce que celle-ci est la seule véritable alternative au programme islamiste » (Alexandre Adler)
Dans un rapport du Sénat américain publié le 9 décembre 2014, il est mentionné que « les techniques renforcées d'interrogatoire de la CIA contre des détenus après le 11 Septembre 2000 « n'ont pas été efficaces » et ont été plus brutales que ce que l'agence d'espionnage avait reconnu jusqu'à présent ». Et pour donner plus de crédit à son exposé, le rapport décrit sans la moindre vergogne la façon dont les détenus étaient traités : « jetés contre les murs, dénudés, placés dans des bains glacés, empêchés de dormir pendant des périodes allant jusqu'à 180 heures ».
Pour justifier de telles pratiques, le directeur de la CIA, John Brennan, a indiqué que la torture utilisée par l’agence avait permis de « sauver des milliers de vies en déjouant des attentats », ajoutant qu’Oussama Ben Laden, le chef de file d’Al Qaïda, n’aurait jamais été tué sans les informations obtenues dans le cadre du programme d’interrogatoire mis en cause.
Ce rapport du Sénat américain, véritable opération politicienne hypocrite et démagogique, remet en mémoire d’autres rapports, d’autres enquêtes, d’autres cris d’orfraie, d’autres condamnations émanant de la « bien pensante » et du « politiquement correct »… tout ce que le conflit algérien avait engendré de critiques acerbes, de condamnations et de jugements sommaires…
Cette guerre révolutionnaire entreprise par les « fous d’Allah », les Américains ne l’ont pas voulue… comme les Français n’avaient pas voulu, non plus, celle qui allait causer, huit années durant, la mort de milliers d’innocents et se concrétiser par l’exode et l’exil de tout un peuple.
Cette guerre auquel le monde occidental est aujourd’hui confronté est, comme « l’autre », aussi sale que bestiale, plus cruelle et plus écœurante que les précédentes car l’ennemi n’est pas franc et ne s’embarrasse pas de préjugés… Il est partout à la fois et on ne le voit nulle part. Ce n’est pas un adversaire loyal, ne s’attaquant qu’aux militaires ou à leur matériel ; tout au contraire, ces terroristes sont des criminels de droit commun, des gangsters de l’espèce la plus ignoble, et leur gang a ses ramifications secrètes dans chaque pays, dans toutes les classes de la société. Il faut donc agir impitoyablement à leur endroit et, pour cela, utiliser des moyens appropriés, fussent-ils, eux aussi, révolutionnaires.
C’est grâce au silence et au secret dont ils s’entourent que ces tueurs peuvent opérer et porter les coups les plus dévastateurs. Le secret rompu permettrait de les interpeller et mettre la main sur les bombes, les armes de toute sorte, interdirait toute velléité d’attentat. C’est donc au secret qu’il faut s’attaquer si l’on veut éviter un bain de sang…
Mais comment s’y prendre ?
Imaginons être en face d’un homme pris alors qu’il vient de déposer une bombe qui, seul, sait en quel lieu, à quelle heure elle explosera, tuant et mutilant à jamais des dizaines et des dizaines d’innocents, et si cet homme, s’enfermant dans son secret ne veut rien dire quand on l’interroge humainement, réglementairement, alors, que faut-il faire ? Et il faut faire vite car le temps presse ! Quelque part dans la ville, le tic-tac s’égrène lentement et c’est pour de nombreuses vies humaines, une question de vie ou de mort. A tout prix il faut désarmer ce bandit, le faire parler quelle qu’en soit le moyen afin qu’il livre son secret… et de toutes les méthodes, seule la torture paraît-être la plus efficace et, surtout, la plus rapide. C’est çà ou se contenter de relever des innocents déchiquetés par la bombe qui va exploser dans un instant et de les conduire à la morgue.
En Algérie, l’armée française dut, pour faire face au danger sans cesse croissant du terrorisme et afin de le mieux combattre, utiliser les mêmes arguments que l’ennemi : La torture.
Par celle-ci, cependant –et par elle seule- elle arriva à prévenir le harcèlement imminent d’un poste, l’embuscade tendue à une patrouille, l’explosion d’une bombe dans un stade, un café ou un cinéma, l’attaque d’une ferme, l’enlèvement ou l’assassinat d’une personne.
On a fait à ce sujet, au lendemain de la « bataille d’Alger », le procès de la torture. Si ses plus violents proscripteurs n’avaient pas été animés, souvent, plus par des arrière-pensées politiques que par des sentiments humanitaires, leurs appels auraient eu une autre résonance. Mais combien songeaient à condamner en même temps, et peut-être d’abord, la cause : Le terrorisme ignoble et aveugle ?
Durant ce conflit, les « moralistes à la conscience pure » n’ont eu de cesse de vilipender les parachutistes français pour leurs « opérations de police musclées » lors de cette bataille en leur opposant la « charité chrétienne ».
Mais où est la « charité chrétienne » dans ces visions apocalyptiques : Visages lacérés où les yeux manquaient, nez et ces lèvres tranchés, gorges béantes, corps mutilés, alignements de femmes et d’enfants éventrés, la tête fracassée, le sexe tailladé dont les tueurs du FLN se repaissaient avec un plaisir sadique ?
La révolution, la lutte pour l’indépendance de son pays justifient-elles de telles abominations ?
Les âmes chagrines disent que la conscience se révolte au spectacle de certains crimes. Hier, le FLN ; aujourd’hui, l’Etat Islamique et ses séides… Dans les deux cas, nous avons été -et sommes, de nouveau- en présence du plus monstrueux florilège du crime qui puisse se concevoir. Les images qui représentent les milliers d’hommes égorgés, les visages mutilés au couteau ou vitriolés, les fillettes violées ou déchiquetées par les bombes, les femmes lapidées, reculent les limites assignées à l’horreur. Cependant, ces atrocités, répliques de tant d’autres commises en Algérie ne révoltent pas les consciences contres les criminels mais contre ceux qui les pourchassent et tentent de les neutraliser…
La conscience se corrompt dans ces contradictions parce que pardonnant là (l’assassin) et condamnant ici (le soldat), elle cesse d’être conscience pour se faire complice. La supercherie naît de ce qu’elle continue à se parer des attributs de la conscience et exige d’être reconnue comme telle. La complicité dissimulée sous le vocabulaire de la conscience, c’est la subversion. Les mots deviennent fausse monnaie.
José CASTANO