Ci dessous un ouvrage dont j'ai retrouvé un commentaire qui me semble interresant.
Livre : les trois "Principes de la contre-insurrection" et leurs limites Il faut lire "
Principes de contre-insurrection", le livre que trois colonels, Hervé de Courrèges, Emmanuel Germain et Nicolas Le Nen, viennent de publier. Il faut le lire car les trois auteurs, forts de leurs lectures et de leurs expériences opérationnelles, illustrent
"l'indispensable dynamisme de le pensée militaire", comme l'écrit l'amiral Guillaud, chef d'état-major des armées, dans la préface de l'ouvrage. Il faut le lire, surtout - ce qui est mon cas - si l'on reste sceptique sur cette idée de contre-insurrection. Car il s'agit d'une présentation, à la fois claire, nuancée et courte, qui entend poser quelques bases pratiques.
S'inspirant de Galula et du
Field Manual 3-24 américain, nos trois auteurs ont identifié trois principes de la guerre de la guerre contre-insurrectionnelle :
"la légitimation de l'action, l'adaptation au contexte local et la marginalisation de l'ennemi". Prudents, ils reconnaissent que
"l'application de ces trois principes n'a pas été la cause directe de la victoire des forces régulières, leur non-respect a toutefois provoqué leur échec".
Condition nécessaire mais pas suffisante, ces trois principes sont longuement décrits à partir d'exemples historiques. Les trois colonels ne repèrent que de
"rares succès", trois en l'occurrence : les Américains aux Philippines et les Britanniques en Malaisie et en Irlande de nord. C'est maigre. Ailleurs, ce fut l'échec, par exemple en Algérie avec les Français, un cas sur lequel on aurait aimé que les auteurs s'étendent un peu plus. Rien non plus, ou presque, sur la Tchétchénie.
A lire l'ouvrage, on se rend compte que les guerres contre-insurrectionnelles ne sont qu'un nouvel avatar des guerres coloniales. Elles seraient en rupture avec le
"modèle occidental de la guerre", qui consiste à
" anéantir l'adversaire". Adieu Foch,
Good morning general Petraeus !
Arrêtons nous un instant sur le premier principe, la "
légitimation de l'action". "Cette légitimité sera à conquérir en premier lieu auprès de sa propre opinion publique, puis auprès de celle de ses alliés et enfin au sein de celle du pays dans lequel elle agira". Etrange idée que d'avoir à
"conquérir" une légitimité auprès de sa propre opinion publique: il pourrait sembler que cette légitimité était un préalable qui justifiait l'engagement militaire. Mais comme le reconnaissent les auteurs, "
l'opinion est versatile". "Il est donc indispensable de faire appel au plus vieux ressort de la guerre pour légitimer une intervention contre-insurrectionnelle : la préservation de la sécurité de la population". Une telle approche n'est pas sans poser de problème. Car, si
"les adversaires des démocraties occidentales ont très vite identifié quel était le centre de gravité de leurs ennemis, leur opinion publique", toute information qui agit sur l'opinion publique, sans aller dans le sens voulu par les partisans de la guerre, devient
ipso facto, une collaboration aux objectifs de l'ennemi. Pour les connaître, on ne soupçonnera pas les auteurs d'ambitions liberticides, mais leur raisonnement en contient les prodromes.
La guerre contre-insurrectionnelle conduit automatiquement les militaires à investir le champ politique, dans leur propre pays et là où ils interviennent. Ce n'est pas sans risque et d'abord pour eux. Les auteurs pointent "
l'indispensable coopération entre le décideur
politique et le chef militaire dans la conception et la conduite de ce type de conflit (...) qui
"a parfois conduit à une politisation du corps des officiers et provoqué des dissensions entre les armées et le gouvernement". Là encore, on eût aimé que les trois colonels s'étendent un peu plus sur le cas français en Algérie. Dans sa préface, le chef d'état-major des armées est bien conscient des risques lorsqu'il écrit "
que ce n'est pas parce que les armées de contre-insurrection ont des mobiles essentiellement politiques que les armées doivent se politiser".
Les deux autres principes d'adaptation au contexte local et de marginalisation de l'ennemi mériteraient de notre part d'aussi longs développements. Les auteurs plaident ainsi pour la
"perméabilité à la culture d'autrui, sans jamais perdre de vue les objectifs politiques de sa propre société". Quant à elle, la marginalisation de l'ennemi nécessite
"un contrôle rigoureux du terrain" qui nécessitent des effectifs importants.
On comprend que la contre-insurrection soit aujourd'hui si populaire dans les cercles militaires, notamment de l'armée de terre. Elle justifie le maintien d'effectifs importants dans l'infanterie et permet de participer aux conflits actuels dans le cadre de "
l'approche globale" - ce qui est une façon de ne pas endosser la responsabilité de l'échec éventuel, puisqu'il est sans cesse clamé que la victoire ne peut être militaire. Reste que la politisation inévitables des armées dans le cadre de ce type de conflit est un vrai risque, dont il est n'a pas certain, au vu des maigres résultats pointés par les auteurs eux-même, que le jeu en vaille en chandelle. Surtout lorsqu'on risque de se brûler les doigts avec la même chandelle. Notre histoire ne l'a que trop montré.
Hervé de Courrèges,
Emmanuel Germain, Nicolas Le Nen, "Principes de contre-insurrection"
Editions Economica, 114 pages, 19 euros.http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/