ont nous appelle "Pieds Noirs", par Camille Bender (décembre 1962)
On nous appelle "Pieds Noirs" et ces deux mots jetés
Péjorativement, souvent comme une insulte,
sont devenus pour nous bien plus qu'un sobriquet.
On nous appelle "Pieds Noirs" avec cette nuance
De dédain, de mépris attachée à ces mots
Qui pour nous, ont un sens de plus grande importance.
On nous appelle "Pieds Noirs", nous acceptons l'injure,
Et ces mots dédaigneux sont comme un ralliement
Comme un drapeau nouveau, comme un emblème pur.
On nous appelle "Pieds Noirs", il y a sur nos visages
Le regret nostalgique des horizons perdus,
Et dans nos yeux noyés, d'éblouissants mirages.
On nous appelle "Pieds Noirs" il y a dans nos mémoires
Le souvenir joyeux des belles heures d'autrefois,
De la douceur de vivre, et des grands jours de gloire.
On nous appelle "Pieds Noirs", ami, te souviens-tu
De nos champs d'orangers, de nos coteaux de vigne,
Et de nos palmeraies, longues à perte de vue ?
On nous appelle "Pieds Noirs", mon frère, te souvient-il
Du bruyant Bab-el-Oued, d'El Biar sur sa colline,
Des plages d'Oranie, du glas d'Orléansville ?
On nous appelle "Pieds Noirs", là-bas dans nos villages,
Qu'une croix au sommet d'un clocher dominait,
Il y a un monument dédié au grand courage.
Les nommait-on "Pieds Noirs" les morts des deux carnages
De 14 et 39, les martyrs, les héros
Qui les honorera maintenant tous ces braves ?
On nous appelle "Pieds Noirs", mais ceux qui sont restés,
Ceux de nos cimetières perdus de solitude,
Qui fleurira leurs tombes, leurs tombes abandonnées ?
On nous appelle "Pieds Noirs" nous avions deux Patries,
Harmonieusement si mêlées dans nos cœurs,
Que nous disions "ma France", en pensant "Algérie".
On nous appelle "Pieds Noirs" mais nous sommes fiers de l'être
Qui donc en rougirait ? Nous ne nous renions pas
Et nous le crions fort, pour bien nous reconnaître.
On nous appelle "Pieds Noirs", nous nous vantons de l'être
Car nous sommes héritiers d'un peuple généreux
Dont l'idéal humain venait des grands Ancêtres.
On nous appelle "Pieds Noirs" qu'importe l'étiquette
Qu'on nous a apposée sur nos fronts d'exilés,
Nous n'avons pas de honte, et nous levons la tête.
Ô mes amis "Pieds Noirs" ne pleurez plus la terre
Et le sol tant chéris qui vous ont rejetés,
Laissez les vains regrets et les larmes amères
CE PAYS N'A PLUS D'ÂME, VOUS L'AVEZ EMPORTEE.
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